Petites histoires au sein de la grande Histoire...
Celle d'Avignon est riche en anecdotes, tragiques ou cocasses.
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Accident mortel sur la Route Impériale
Alexandre Louis Adolphe Durand Saint Amand… voici un nom qui fleure bon le Second Empire !
Photographe anonyme
Epreuve sur papier albuminé contrecollée sur carton
Ce digne haut fonctionnaire se tua « la tête fracassée contre un platane » de l’actuelle route de Lyon ; curieusement, on peut faire remonter la cause de sa mort à la volonté de Marcus Vipsanius Agrippa, « meilleur ami, meilleur général, meilleur conseiller et gendre du premier empereur Auguste », que ce dernier chargea entre 39 et 13 avant J.C. de créer le réseau routier des Gaules conquises.
Construction d'une route romaine
En jaune la via Agrippa
Le premier axe de ce réseau fut la route Marseille – Aix – Arles – Avignon – Lyon qui devint la Via Agrippa. 22 milliaires (bornes militaires) y ont été trouvés. Il a été récemment mis à jour une portion de cette voie sur la commune de Graveson dont les résultats de fouilles sont ouverts au public.
Reconstitution sur le site de Graveson
A partir de 1481, date du rattachement de la Provence au royaume de France, un ensemble de relais de poste est mis en place. Au XVIème siècle, les premiers transports réguliers de voyageurs sont organisés et on plante des ormes le long des voies afin de les ombrager et de les délimiter. Un Guide des Chemins de France publié par Charles Estienne, imprimeur royal, en 1552, nomme l’ancienne voie Agrippa « le grand chemin »
En 1811, Napoléon 1er fait adopter par décret la numérotation de toutes les routes de l’Empire. L’itinéraire de Paris à Nice qui passe par Avignon est désigné comme la « Route impériale n°8 de première classe ». En 1824, sous Louis XVIII, la voie devient « Route royale de première classe n°7 » ; elle est de nouveau nommée « Route impériale » sous le Second Empire, et c’est là qu’intervient le malheureux Durand Saint Amand.
Né en 1808, préfet de la Creuse, de l'Hérault, puis de Vaucluse à partir de 1853, républicain rallié à l’Empire, il est l’auteur en 1845 d’un «Manuel des courtiers de commerce ou Exposé complet de la législation et de la jurisprudence concernant les courtiers de marchandises, les courtiers d'assurances ». Lecture peut-être légèrement rébarbative ?
Il est chargé de surveiller les travaux de la « route impériale » visant à améliorer les conditions de circulation – difficiles, éternellement difficiles… Or son cheval s’emballe et le projette contre le platane fatal le 11 mai 1861. Il sera inhumé au cimetière saint Veran, ayant spécifié dans son testament de 1862 : «Si je meurs à Avignon, ou étant dans le département, je désire être enterré dans le Cimetière d’Avignon » . La municipalité décide d’offrir à la famille un emplacement et de faire édifier à ses frais la pierre tombale, dûment gravée : « La ville d’Avignon a fait élever cette pierre tumulaire pour rendre a ce haut fonctionnaire un hommage de pieuse gratitude. Délibération du Conseil Municipal 20 Mai 1864 ».
A l’endroit où le préfet trouva la mort, une colonne de fonte avec cannelures fut édifiée, mais depuis la photographie ci-contre, elle a complètement disparu sous le lierre.
Merci à Mme Nerte Dautier et M. A-Y Dautier pour cette photo prise en 2018.
La route de Lyon actuelle
Et la route ? Après la chute de l'Empire et l’établissement de la République, la route impériale n°8 est devenue la… Nationale 7 bien sûr !
Encore nommée route bleue, route du soleil, elle a depuis laissé la place – et la circulation – à l’autoroute A7. A Avignon, on la nomme désormais « route de Lyon »... sa toute première destination.
Bibliographie
Robert Bailly – Chronique et Histoire d’Avignon en 365 jours
https://www.provence7.com/symbole-7/nationale-7/