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Par Liliane Octobre 2022

Le couvent des Célestins 1

Le vaste ensemble du couvent des Célestins – l’église, les bâtiments conventuels, la chapelle de Pierre de Luxembourg, le cloître, la bibliothèque, l’aile des hôtes, les jardins – fut l’un des plus fastueux d’Avignon, exceptionnellement doté à la fois par le pape et par le roi de France. Il abrita de magnifiques mausolées, une statuaire et des tableaux des artistes les plus renommés, une riche décoration murale, les dons somptueux des plus grands seigneurs, et de toutes ces richesses, Révolution et occupation militaire obligent, il ne reste quasiment rien.


Pierre de Luxembourg
Église saint Didier
Tout commence en 1387. Pierre de Luxembourg est nommé cardinal par son oncle l’antipape Clément VII à l’âge de 17 ans, mais il meurt dix mois plus tard à force de jeûnes et de pénitences. Déjà objet d’une profonde vénération de la part des Avignonnais, il est inhumé, selon son vœu, à même la terre dans le cimetière saint Michel réservé aux plus pauvres, alors situé à l’extérieur des remparts.
Une foule considérable assiste à ses obsèques , et la ferveur tourne même à l'émeute, les fidèles arrachant des poignées de terre et de son suaire. Très vite, l’emplacement est réputé faire des miracles et des guérisons spontanées : le jour même des funérailles, un marchand d’Avignon, Guillaume de Sabran, est guéri de la goutte après s’être traîné près du cercueil. Pas moins de « 1964 miracles dont 13 résurrections » ont lieu en trois mois. La reine de Sicile, Marie de Blois, fait couvrir la tombe par une chapelle en bois, et les pèlerins affluent. Les princes de toute l’Europe désirent faire le pèlerinage ; c’est l’endroit où il faut être allé.
La chapelle de Pierre de Luxembourg
La chapelle de bois couvrant la tombe de Pierre de Luxembourg est remplacée par une vraie construction en 1425, formant une crypte semi-souterraine sur la sépulture miraculeuse. En 1597, le maître-autel est remplacé par un autel monumental de style renaissance contrastant avec le gothique de la nef. Surélevé de quatre mètres, surmonté d'une voûte à caissons soutenue par quatre colonnes à chapiteau corinthien, on y accède par un double escalier au milieu duquel s’ouvre une petite chapelle à demi souterraine où se trouvent les reliques de Pierre de Luxembourg, éclairées nuit et jour par treize lampes d'argent dont l'entretien a été fondé par son frère Waléran et sa sœur Jeanne. D’autres tombes de sa famille s’y trouvent, dont celle de son neveu, Jean de Luxembourg accusé d'avoir livré Jeanne d'Arc aux Anglais.

Pierre de Luxembourg en prière
Tableau vers 1460 -Église saint Didier
En 1625, François Royers de la Valfrenière élève un mausolée au-dessus de la tombe de Pierre de Luxembourg, à l’aspect d'une « confession à la Romaine surmontée de tribunes ouvertes de baies géminées ». L’architecte lui-même sera enterré au pied de l'escalier menant à l’autel.
Deux travées supplémentaires rejoignent le transept de l'église des Célestins.
L’édifice de Pierre de Luxembourg et ses chapelles latérales, dont celle bâtie par le cardinal Jean Reolini en l'honneur de Lazare et de Marie Madeleine et ornée de fresques, ont été démolis. Du mausolée du Bienheureux, l’un des chefs d’œuvre de Royers de la Valfrenière, il ne reste qu’un ex-voto du XVIIème siècle. Les reliques sont transportées à saint Didier pour échapper aux révolutionnaires.

Reliques de Pierre de Luxembourg
(Actuellement à l'église saint Didier)
L'église des Célestins telle qu’elle était avant la Révolution et les militaires.
C’est l’époque du Grand Schisme. Dans le but de faire reconnaître sa légitimité, Clément VII profite de la célébrité du jeune cardinal défunt et fait édifier un monastère près de la tombe avec l’aide financière des cardinaux Jean de Neufchâtel, Jean Allarmet de Brogny et Amédée de Saluces et offre le terrain aux Célestins. L’ordre des Célestins avait été fondé en 1254 en Italie par le futur pape Célestin V, selon la règle de saint Benoît.


Un célestin
Le roi Charles VI ne veut pas être en reste. Souhaitant être le fondateur du prieuré, il le dote richement, quatre mille livres de revenu exemptes de toutes charges, et ordonne la construction d'une église et d'un couvent. En 1395, le frère et les oncles du roi posent en son nom la première pierre. Le couvent des Célestins sera à la fois la dernière fondation de la papauté et la seule construction royale en Avignon, d’où les fleurs de lys exceptionnellement représentées.
Sur la façade rue saint Michel
La construction initiale – église, cloître, salle capitulaire, réfectoire, dortoir – va s’étendre jusqu’en 1425, mais des travaux annexes se poursuivront jusqu'au XVIIème siècle.
Le projet initial de l’architecte, Pierre Morel, est extrêmement ambitieux : vaisseau à sept nefs, avec doubles bas-côtés et chapelles latérales, mais faute de financement suffisant, l'église ne sera jamais achevée. Trois travées seulement sont élevées, le chœur des religieux occupant les deux premières.

Plan de 1848



L'abside offre de remarquables clés de voûtes et en particulier celle représentant un Christ en gloire dans une mandorle formée d'un vol de chérubins et encadrée de prophètes, œuvre de Pierre Morel.





Des ogives ajourées reposent sur des consoles d'anges musiciens. Un vaste remplage aveugle avec fleur de lys stylisée rappelle la filiation royale du monument.


