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LE BON ROI RENÉ
2ème partie
Bien qu’inconsolable de la mort d’Isabelle, René se remarie avec Jeanne de Laval l'année suivante. Ils n'auront pas d'enfants. En 1472 ils s’installent à Aix en Provence. Il se consacre à l'administration et au développement de ses domaines, Anjou, Lorraine et Provence, ce qui bénéficie particulièrement à Aix et Avignon, tout en limitant le pouvoir de la noblesse. Il crée des lieux de promenades et des jardins fleuris où vivent des paons et des biches. Ses sujets peuvent visiter ses ménageries de félins. Il fait entretenir les forêts et les vignobles et exécuter des travaux d'irrigation dans le Lubéron et la plaine de la Durance par l'intermédiaire de son chambellan Fouquet d’Agout. Le barrage de l'« Etang de la Bonde » est l’un des premiers réalisés en France. Apprécié des Italiens, il contribue à la résolution du Grand Schisme d’Occident et conseille utilement Charles VII dans l'administration du royaume.

Nicolas Froment -
Triptyque du buisson ardent -1475

Nicolas Froment - René d’Anjou & Jeanne de Laval
Musée du Louvre
D'après Michel Laclotte, ces deux portraits reflètent "le vieillissement maussade de l'un et l'anguleuse laideur de l'autre".
C’est un mécène éclairé et cultivé qui parle plusieurs langues, lit le grec et le latin, aime la musique et les tournois. Il a la passion de l’Orient et des livres enluminés, s’entoure de peintres, en particulier Nicolas Froment, d’orfèvres et de poètes. Il peint lui-même et compose des ouvrages sur l’art du tournoi et l'amour courtois. Il entretient une troupe de théâtre dirigée par son bouffon Triboulet, qui pourrait être l’auteur de la féroce satire La farce de Maître Pathelin. Il organise des fêtes somptueuses, car « c’était un prince plein de déduit et plaisir qui n’avait en son train que gens d’esprit et passe-temps ».
Il a 65 ans quand ses démêlés avec son redoutable neveu, Louis XI, le conduisent à accepter les conditions de ce dernier : contre une confortable pension, René lui abandonnera à sa mort la Provence et l'Anjou..


Musique à la cour du roi René Procession du roi à Aix en Provence
Psautier du roi - XVème siècle - Attribution possible au premier peintre du roi Barthelemy de Clercq
En 1476, il ajoute à ses nombreuses possessions – le château et l’hôtel particulier de Tarascon, sa demeure d’Aix, la bastide de Pertuis, les châteaux de Peyrolles et de Forcalquier, le jardin acheté aux moines de l’Abbaye Saint-Victor de Marseille, la bastide de Saint-Jérôme, des demeures aux Baux, à Aubagne, plusieurs relais de chasse - l’ancienne livrée de Viviers d’Avignon, qu’il agrandit en acquérant plusieurs maisons mitoyennes, aménage en demeure confortable et fait décorer par son peintre attitré Nicolas Froment - et où il ne séjournera que quelques jours. Pour le grand autel du couvent des Célestins il commande à Francesco Laurana le Portement de Croix, l’une des premières œuvres « Renaissance » en France, et fait don d’un reliquaire de la Vraie Croix en or et argent doré en 1477.
Voir La maison du roi René en page suivante.

Francesco Laurana - Le portement de croix
Église saint Didier

Le château de Tarascon

La cour du roi
Sa fille Marguerite d’Anjou, prisonnière en Angleterre depuis la mort de son époux, est libérée en 1476 contre une rançon de 50 000 écus d'or versée par Louis XI à condition qu’elle renonce à son héritage sur l’Anjou. Elle rejoint son père à Aix en Provence jusqu'à la mort de celui-ci, qui survient en 1480. Malgré le souhait de ses sujets provençaux, Jeanne de Laval respecte sa volonté : pour le soustraire aux Aixois, elle fait dissimuler le corps dans un tonneau déposé sur une embarcation qui remonte le Rhône. Le roi René est inhumé à Angers aux côtés de sa mère et de sa première épouse Isabelle de Lorraine dans le tombeau qu'il avait fait réaliser dans la cathédrale d'Angers. Seules lui survivent deux de ses filles.

Dessin du tombeau de René d'Anjou et Isabelle de Lorraine
dans la cathédrale d'Angers, détruit en 1794.
La légende du roi René
On vit partout aux bords de la Durance
De grands troupeaux de moutons et de bœufs ;
Poules alors pondaient de plus gros œufs,
Et l’âge d’or existait en Provence.
Ainsi le poète Diouloufet célébre « l’âge d’or » apporté par la présence du roi René en Provence. « Se chauffer à la cheminée du roi René », expression provençale, signifie profiter des rayons du soleil comme, paraît-il, lui et Jeanne de Laval le faisaient sur le port de Marseille…
En effet, sa légende naît très tôt : « Vigilant protecteur du pays, conservateur de l’Église, entretien des nobles, défendeur du commun, amoureux de pais et de concorde, substantateur des pauvres, des dames et damoiselles directeur et support, administrateur incorruptible de justice et, en général, de tout son populaire très bénin et très miséricordieux père » d’après Jean de Bourdigné, prêtre angevin, en 1529.

Sa bonté et de sa fortitude furent vantées et célébrées par une multitude d’historiens, l’un des premiers n’étant autre que Nostradamus, dans L’Histoire et Chronique de Provence en 1613 : René subit stoïquement « fortune inconstante et muable », « sans qu’on eut jamais pu apercevoir en son visage aucun signe de changement et mutation, tant il porta d’un cœur vraiment royal et généreux toutes ces pertes et disgrâces ».
Il est vrai qu’il fit édifier, rare témoignage de fidélité, un monument funéraire en souvenir de sa nourrice Thiephaine la Magine, tenant dans ses bras les deux nourrissons royaux, René et sa sœur Marie étroitement emmaillotés. Cependant, il y a peu de chances qu’un prince constamment endetté comme il le fut soit prêt à accorder des remises de taxes à ses sujets en cas de fort mistral ayant ruiné les récoltes, ainsi que le rapportent ses hagiographes…
Ce qui lui bénéficia le plus fut que sa présence en Provence correspondit à la fin de la guerre et de l'épidémie de peste noire, suivie d'une relative reprise de l’économie locale.