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        Par Liliane, juin 2023

Les écrivains d'Avignon

 

Pierre Boulle

     Pierre Boulle naît le 20 février 1912 à Avignon, 25 rue des Etudes. Son père Eugène Jean Baptiste Boulle, né en 1880, est avocat et journaliste spécialisé sur le théâtre pour un journal  dirigé par un célèbre imprimeur félibre, François Seguin, dont en 1908 il épouse la fille, Thérèse. L’un des arrières-grands-pères de Thérèse avait acheté en 1796 l’hôtel de Brancas, rue de la Bouquerie (devenu une école de filles après 1916). C’est là que fut publié Mireille de Frédéric Mistral.

Maison natale

Ses parents et Suzanne

Son enfance entre ses parents et ses sœurs Suzanne, son aînée, et Madeleine sa cadette, sont paisibles et bucoliques. Il a une grande complicité avec son père, et racontera dans L’Ilon  ses souvenirs d’enfant fasciné par la pêche et la chasse.

L’ilon, c’est un cabanon isolé, dominant le Rhône, dans un bosquet d'aunes géants «avec leurs troncs à hautes tiges, blanc, rond et poli, comme on dirait les cuisses de quelques nymphes ou déesses géantes » selon Frédéric Mistral. Il y passe les vacances, à naviguer en barque sur le Rhône et à pourchasser le petit gibier, voire à braconner la nuit. « Je ne crois pas avoir jamais éprouvé une exaltation aussi forte que le jour de mon premier lapin » écrit-il dans ses souvenirs. Une enfance, comme celle de Bosco, assez solitaire, en compagnie de son père amoureux de la nature et défenseur des braconniers du Comtat,  dont certains, reconnaissants, apprennent au  jeune garçon les secrets de la chasse, et de son oncle musicien : « L'oncle Jean était un musicien de talent et un pianiste virtuose, mais à toute la musique et à tout le piano, il préférait l'appel des perdreaux. Juché dans un olivier qui dominait la plaine des Angles, aux portes d'Avignon, avec un appeau de roseau,

de fil de fer et de fils poissés, son fusil et son neveu Pierre, il appelait donc les perdreaux du Comtat... Ils arrivaient à la course, par compagnies entières — une, deux, trois, dix... — qui se concentraient près de l'arbre, invisibles, mais bruyantes... Alors l'émotion était telle que l'oncle Jean, hors de lui, tombait de l'arbre, fusil au poing, en hurlant pour qu'ils s'envolent et en tirer au moins un ! ». Et paraphrasant Kipling : « Donnez-moi les premières années de la vie de garçon. Quant au reste, je vous l'abandonne volontiers. »

L'Ilon a été rasé, le terrain nivelé, le Rhône assagi. Seuls demeurent les souvenirs d'un enfant d'Avignon…

Cette enfance heureuse prend fin brutalement, quand son père meurt d’une maladie du cœur en 1926. Pierre Boulle fait des études d’ingénieur à Supelec,  l'École supérieure d’électricité, et reçoit son diplôme en 1932. A 24 ans, il part en Malaisie pour travailler dans une  plantation d’hévéas anglaise, ce qui donnera la trame de son roman Le Sacrilège malais. Il observe les gens et les mœurs des Malais, des Chinois, des Anglais et l’organisation rationnelle et impitoyable de la plantation qui le scandalise et le fascine. Il y rencontre une Française, séparée de son mari, qui restera son grand amour. Cependant elle décide de rejoindre son mari, fonctionnaire en Indochine, avec lequel elle fuit en Malaisie durant la Seconde guerre mondiale. L’un de leurs enfants meurt pendant le voyage.

Après la guerre, Pierre Boulle et elle retrouveront une relation purement amicale. Lui ne se mariera jamais.

A la déclaration de guerre en 1939, volontaire pour partir sur le front, il se rend à Singapour puis à Saïgon où il est mobilisé. En juin 1940, il est envoyé à la frontière siamoise à la tête d'un peloton d'automitrailleuses, puis il décide de rejoindre le mouvement gaulliste et devient officier de liaison « avec l’orgueil et la perspective égoïste de vivre des aventures exaltantes, hors du commun ». Avec un passeport britannique au nom de Peter John Rule, il part en mission en Indochine contre les Japonais pour tenter de fomenter des révoltes et apprendre au passage à faire sauter des ponts, ce qui lui servira plus tard dans un but plus littéraire... Dans Aux sources de la rivière Kwaï, il se remémore sa traversée de la frontière indochinoise par le fleuve Nam Na : la descente solitaire sur un radeau de bambous qu’il a lui-même fabriqué, les nuits noires, les rapides, les sangsues... Cependant, capturé par des militaires français fidèles à Pétain, il est jugé comme traître par la cour martiale de Hanoï et condamné aux travaux forcés à perpétuité. Deux ans plus tard, il parvient à s’évader et rejoint un service spécial britannique à Calcutta. Après la guerre le général de Gaulle lui remet plusieurs médailles.

Pierre Boulle repart en Malaisie mais après trois années d'ennui il renonce à sa vocation de planteur et rentre à Paris. Il cherche alors sa voie. Brusquement, il décide de vendre tout ce qu’il possède, s’installe dans un petit hôtel parisien pour écrire et c’est le début d’une carrière féconde. « Cette décision de devenir écrivain, je l’ai prise en une heure, une nuit d’insomnie où les lucioles dansaient. » « Et comment aurais-je pu hésiter plus longtemps ! Comment avais-je été assez fou pour tergiverser ! N’étais-je pas de toute évidence appelé par le Destin à faire une carrière dans les Lettres ? »

Madeleine Perrusset, sa sœur récemment veuve, l’accueille dans son grand appartement et il devient le père de substitut de sa nièce Françoise-Caroline, à qui il raconte ses romans à mesure qu’il les rédige.

 

Il écrit tous les jours, et de 1950 à 1992 publie un livre presque chaque année. Ses deux plus célèbres romans restent Le pont de la rivière Kwai, en  1952, et La planète des singes, en 1963.

Ci-dessus, Pierre Boulle

et sa nièce Françoise Caroline.

 

 

A gauche avec sa sœur Madeleine

Le Pont de la rivière Kwaï obtient le prix Sainte-Beuve. Le roman puis le film de David Lean sorti en 1957, avec Alec Guiness et Sessue Hayakawa, lui apportent une grande célébrité. Il s’appuie sur son expérience personnelle, riche en événements, en couleurs et en impressions vécues, doublée de sa rigueur d’ingénieur dans la construction du récit.

Avec René Barjavel, Pierre Boulle est l’un des pionniers de la science-fiction française dite  « d’imagination scientifique ».  Dès sa nouvelle de 1949, Une nuit interminable, il se joue des paradoxes temporels de façon très moderne. Le roman qui donnera lieu à une impressionnante postérité est sans conteste La planète des singes qui connaît un grand succès à sa sortie : de nombreuses adaptations cinématographiques jusqu’à nos jours, deux séries télévisées et d’innombrables bandes dessinées. Aucune n’est fidèle au roman, mais il faut reconnaître que la fin spectaculaire du premier film avec Charlton Heston, marque les esprits de façon indélébile.

 

Pierre Boulle est l’un des auteurs français les plus traduits et les plus connus à l’étranger, surtout aux États-Unis, .

Ses nombreux romans, dont Le Photographe adapté au cinéma sous le titre Le Point de mire, en 1977, poursuivent cette veine où les thèmes valsent entre la science dévoyée, le merveilleux, l’humour et l’absurde, le réalisme et l’imaginaire. En 1976 il reçoit le Grand Prix de la Société des Gens de Lettres pour l'ensemble de son œuvre.

 

Partageant son temps entre Paris et sa maison de campagne dans le Loiret, il publie jusqu’à sa mort des livres où « il se plaît par-dessus tout à construire la rencontre entre deux choses : le simple et l’étrange ».

Il meurt le 30 janvier 1994. Son urne funéraire est placée au columbarium du Père Lachaise (Paris), puis déposée dans le caveau familial au cimetière Saint Véran en 2002.

Cinq ans après sa mort sa nièce et son mari Jean Loriot-Boulle découvrent, dans la cave de son domicile parisien, des valises contenant vingt mille pages de manuscrits et documents, qu’ils restaurent patiemment et qui conduiront à L’Archéologue et le Mystère de Nefertiti, et des nouvelles réunies en un recueil, L’Enlèvement de l’Obélisque.

En mai 2007, ses héritiers font donation de l’ensemble de ses manuscrits à la BNF. Jean Loriot-Boulle conserve une collection d’objets ayant appartenu à l’écrivain : sa machine à écrire, une maquette du pont, l’Oscar reçu pour le scénario du film…

A Avignon, une plaque est apposée sur sa maison natale, et quelques singes emblématiques parsèment la ville.

 

Une rue près de la gare centre porte son nom, ainsi que la bibliothèque du Clos des Fontaines, 8, place du Viguier.

L'association des Amis de l'Oeuvre de Pierre Boulle se trouve à Le Bono (56400)

Dessin de G. Worst 2012

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