Église et couvent saint Martial
Ce qui demeure du prieuré saint Martial a derrière lui une longue histoire au cours de laquelle les transformations et mutilations ne lui ont pas été épargnées, accompagnées de nombreuses incarnations : palais royal, livrée cardinalice, prieuré, monastère, collège, gendarmerie, musée, École Normale... et de nos jours Office de Tourisme d’un côté et Temple protestant de l’autre.
Le palais de la reine Jeanne
Ancien palais dit des rois de Majorque, il est aménagé à partir de 1346 par le sénéchal de Provence Hugues IV des Baux, comte d’Avellino, « au nom du roi Louis, d’illustre mémoire, et de notre très chère fille en Christ, la très illustre reine de Sicile », pour loger la reine Jeanne de Naples (1326-1382), comtesse de Provence, et son époux Louis de Tarente. Il se trouvait alors au bord de la Sorgue qui coulait le long de l'actuelle rue Jean-Henri Fabre, au bord des lices des vieux remparts et du portail Bocquier. Il ne sert qu'une seule fois de résidence à la reine Jeanne lors de sa venue à Avignon en 1348, en pleine épidémie de peste noire.
Désirant se procurer les moyens de reconquérir son royaume, Jeanne vend la ville au pape Clément VII pour 80000 florins d’or « bien et dûment touchés» le 19 juin 1348. En échange le pape lui accorde une «Indulgence» pour la disculper du meurtre de son premier mari et entériner son mariage avec le deuxième, qui est aussi son cousin germain.
Le camérier représente le pape. Charles IV, empereur du saint Empire et suzerain du royaume d’Arles, renonce à sa suzeraineté sur Avignon. Neuf ans plus tard, les syndics, les notables et un grand nombre de citoyens réunis dans la grande audience du Palais prêtent serment au nouveau souverain.
La livrée cardinalice
En 1363, peu après son couronnement, en compensation du prieuré Notre Dame de Belvédère annexé par Jean XXII lors de l’édification de son palais pontifical à Pont de Sorgues, Urbain V fait don du palais de la reine au cardinal Androin de la Roche, abbé de Cluny, la plus puissante abbaye de l’époque. Par la suite le cardinal s’installera dans la livrée d’Annibal de Ceccano.
Le prieuré bénédictin de Cluny
La priorale bénédictine de saint Martial devient la chapellenie des familles des papes Clément VI et de Grégoire XI. Plusieurs cardinaux et Raymond comte de Beaufort et vicomte de Valernes, dont la pierre tombale se trouve aujourd’hui au musée du Petit Palais, y sont inhumés.
Le collège
En 1378, le camerlingue Pierre de Cros, cardinal-archevêque d’Arles, transforme le prieuré saint Martial en « monastère-collège» et en fait l’un des plus somptueux de la ville. Il le dote pour accueillir douze novices bénédictins sous la direction d’un recteur choisi dans la famille du pape Grégoire XI. Il confie la construction de la nouvelle église à l'architecte Pierre Morel, également maître d'œuvre des Célestins. Elle est achevée dix ans plus tard, après sa mort – ses héritiers doivent assurer l’édification du clocher.
L’église des Bénédictins est agrandie en 1486. Elle comprend une abside à cinq côtés, avec une voûte à six branches d’ogives et une nef à quatre travées, sans bas-côtés. Des anges portent des écus armoriés. Elle renferme de somptueux tombeaux.
Le mausolée en marbre blanc du cardinal Jean de Lagrange, évêque d’Amiens adversaire du schisme, mort en 1402, s’élève jusqu’à la voûte
.A la Révolution il est en partie sauvé mais il n’en reste que quelques statues : « Louis d’Orléans avec des apôtres », une Vierge de l’Annonciation, le gisant et le « transi », représentation réaliste du défunt en décomposition, destinée à impressionner les fidèles. Le texte en caractères gothiques avertit : « Nous avons été donné en spectacle au monde, pour que grands et petits vissent clairement, par notre exemple, à quel état sont réduits tous les mortels, sans acception de rang, de sexe ni d’âge. Misérable ! Pourquoi donc t’enorgueillir ? car tu n’es que cendre : et comme nous tu deviendras un cadavre fétide, pâture des vers, et un peu de cendre ».
Transi et sculptures du tombeau de Jean de Lagrange - Petit Palais
Le cloître est construit en 1520.
En 1700, Pierre Mignard est chargé de construire un portail au goût du jour, qui contraste fortement avec l’architecture gothique flamboyant de l’église, et de rénover les bâtiments conventuels. Au premier étage du clocher carré est conservée la riche bibliothèque de l’Université. Au dessus, sur le tambour octogonal s’élève une flèche à huit pans.
Vestiges du cloître et clocher. Ci-dessous, le portail de Mignard apposé au bâtiment gothique.
Intérieur gothique flamboyant de l'église
La voûte de l'abside édifiée par le cardinal de Lagrange est à six branches d'ogives ajourées de quatre feuilles, garnies de redents, soutenues par des anges porteurs d'écus armoriés.
L’église saccagée à la Révolution est désaffectée et le couvent sert de caserne à la gendarmerie.
TEMPLE SAINT MARTIAL - 2 rue Jean-Henri Fabre
Tous nos remerciements à M. Marc Pairet pour son accueil lors des Journées du Patrimoine.
Bibliographie
Marc Pairet : https://amelier.blog4ever.com/le-temple-saint-martial-d-avignon-1
Claude-France Rochat-Hollard - Les Protestants d'Avignon
https://structurae.net/fr/ouvrages/temple-saint-martial
JBM Joudou – Avignon, son histoire ses papes(1842)
Joseph Girard – Évocation du vieil Avignon (1958)