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Un peu de poésie  - 2

Les Comtadines.

 

Blondes aux yeux d'azur, brunes au front vermeil,

Filles de notre ciel et de notre soleil,

Paysannes et citadines,

Vos charmes ne sont point par la mode trahis.

Comme on vous reconnaît !

Vous êtes du pays,

Même sans coiffes comtadines.

L'âme du Comté chante en vos propos joyeux ;

 Jeanne, Laure, Zani rient encor dans vos yeux;

Vous êtes la vivante flore

 Qui réjouit la rue, embaume le foyer ;

Et que, pour nous séduire ou pour nous égayer,

L'amour chaque avril fait éclore.

Sur nos trottoirs souillés, sur nos pavés pointus,

Je tremble pour vos pas, comme pour vos vertus.

Votre essor ailé me console;

Je me dis en voyant l'une de vous passer :

Ses pieds ne semblent pas sur le sol se poser,

Et, pour l'éviter, elle vole.

Votre charme retient le troubadour errant.

Vous êtes l'idéal dont Pétrarque s'éprend,

Et sur vous la gloire rayonne ;

Depuis, ce qui parfois, comme un souffle léger,

Murmure à votre oreille, en vous faisant songer,

C'est un sonnet qui papillonne.

 

Paul MANIVET

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Pierre Grivolas Les Comtadines - Musée Calvet

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Écrit sur un mur rue du Rempart du Rhône, poète anonyme

La Madone aux pieds nus de Jean Giono

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Notre-Dame-du-Spasme

Église saint Didier

Mais à la même aube, à Avignon, sur la place Saint Didier, Notre-Dame-du-Spasme ayant quitté son retable vient rafraîchir ses pieds nus sur le pavage de galets qui faisait crier la goutte à Stendhal. C’est à travers la rue de la Bonneterie, la place Stalingrad et la rue Carnot qu’il faut aller à la Place du Palais. De vieilles maisons qui ne se sont pas lavé les dents depuis des siècles et ont au surplus de graves ennuis de tuyauterie soufflent une haleine corrosive sur vos talons. C’est saint Jean clamant dans le désert. On est dans la bouche d’or des prophètes forts en gueule, mangeurs de poireau cru. Le fleuve – qu’on entend mugir par-dessus les toits – parle, malgré sa vivacité, de Jourdain, de mer Morte, de civilisation pastorale, parfumée bon gré mal gré et in aeternum de suint de mouton. La fraîcheur helvétique qui vous saisit au détour des murs du Palais vous surprend sans vous enchanter. L’air a beau être embaumé de cette odeur de cannelle des arbres abondamment arrosés, le remugle palestinien des petites rues s’accordait mieux avec les grandes lignes verticales de la façade mi-sévère mi-goguenarde de la forteresse des papes appuyée sur l’azur de plomb d’un ciel que le soleil n’élime pas encore. On peut avoir là, suivant les saisons, entre l’Hôtel des Monnaies et les « marches du Palais », d’un à trois quarts d’heure d’Italie, tant que la ville ne remue pas. Dès qu’elle bouge c’est fini, ou plus exactement c’est autre chose : c’est l’opérette, l’opera buffa, presque Cosi fan tutte, à suivre le manège de tout ce qui prend le café, le pastis ou le frais sur la place Georges Clémenceau. Toutes ces sensations mirifiques sont d’ailleurs fonction l’une de l’autre, se complètent, s’enrichissent, se font valoir, et tel « primeuriste » à maillot de peau, tel rentier à gilet de basin, chaîne de montre et allure de toupie, telle fillette à corolle de jupons empesés, perdraient de leur cocasse s’ils ne pouvaient être confrontés avec le gothique du XIVème siècle, et le souffle léonin des ruelles. Il y a d’ailleurs autour de cette ville de très beaux remparts qui manquent de hauteur – c’est l’avis général – mais sont encore très capables d’estropier les élèves de l’école primaire. Avignon a son monstre du Loch Ness : c’est le mistral. Il y souffle avec une violence extrême et pendant cinq à six minutes la vieille ville perd son odeur. Mais pour les poëtes du cru (je veux dire : le boucher, le marchand drapier, l’épicier et d’une façon générale tous ceux qui ont un fil à la patte, et un comptoir à l’autre bout du fil), le mistral a partie liée avec le Rhône, et dévore bon an mal an, à l’aide du fleuve dans laquelle il les pousse, plusieurs douzaines de voitures automobiles, cargaison comprise. Les modestes, ou ceux qui ont une culture nordique, prétendent qu’il s’agit uniquement de deux-chevaux, les autres parlent de camions bâchés. Il est de fait que par tempête de noroît (ou de notos), la ville hurle comme Troie la nuit de sa mort. La véhémence des arbres, le fleuve qui rebrousse ses écailles, les murailles qui tremblent, le clairon qui sonne dans tous les couloirs, la poussière qui fume de toute part, le ciel blanc, le soleil malade dressent le décor d’un sublime exceptionnel. Avignon est alors une ville à nulle autre pareille ; elle s’arrache à l’époque actuelle pour devenir la ville flottante de Gulliver.

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 Stalingrad fut le nom brièvement donné à la place Pie dans les années 1950-1960

 Georges Clemenceau fut celui, tout aussi brièvement, de la place de l'Horloge

Jean Giono - Extrait d'un article intitulé « Il est vain de vouloir réunir… » d’après la première phrase, 

tiré de «Images de Provence », Les Heures Claires, 1961.

Baedecker : Guides de voyage très en vogue dans la bonne société lors des «tours » en Europe, fin XIXème- début XXème siècle, du nom de Karl Baedeker libraire et écrivain allemand (1801-1859).

                             Les touristes

 

Baedeker à la main, kodak en bandoulière,

Casquette à larges bords, costumes à grands carreaux,

Le pas délibéré, l’allure cavalière,

 Ils errent par la ville en voyageurs farauds.

 

Cherchant à se guider dans cette fourmilière,

Ils vont, levant le nez, lisant les numéros,

Au grand amusement de la vive écolière

Qui leur tire la langue à travers les barreaux.

 

De la Porte de l’Oulle ils courent au Musée ;

Le Château fait pâlir leur face médusée ;

Ils se plantent devant la caserne d’Hautpoul…

 

Puis, quand ils ont battu le record des visites,

Nos touristes, grisés de tableaux et de sites,

Regagnent leur hôtel en disant « Beautiful ! »

 

Ernest Feuillet – Les Cent sonnets - 1913

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