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Novembre 2023

Petites histoires au sein de la grande Histoire...

Celle d'Avignon est riche en anecdotes, tragiques ou cocasses.

 

Page  16

Indiens & cowboys à Avignon

William F. Cody, alias Buffalo Bill

Des cowboys et des Indiens à Avignon ? Ce fut  le 29 octobre 1905.

Ce jour-là, The Wild West Show and the Rough Riders installe son chapiteau à la Courtine sur le lieu-dit des Grandes manœuvres. Un chapiteau gigantesque, entouré de tentes, de teepees et de wigwams, qui abrite un spectacle hors normes, mélange de cirque, de théâtre et de rodéo. Le tout mené par le colonel William F. Cody, autrement dit Buffalo Bill le roi des tireurs à cheval.

Il est à la tête d’un millier de personnes, dont une centaine de véritables Peaux-Rouges – Indiens Arrapahoes, Sioux, Cheyennes, Oglallas et Brulés en costumes traditionnels et coiffes de plumes – de cavaliers  émérites venus d’un peu partout jouer aux cowboys et aux soldats, de femmes non moins intrépides et de quelques enfants, sans oublier 500 chevaux, des bisons, et 23 grands décors peints pour illustrer les scènes « réunissant l’Orient et l’Occident» et « les différents peuples dans leurs costumes nationaux avant qu’ils ne disparaissent et n’appartiennent plus qu’aux peintres de l’Histoire ».

Un chroniqueur rapporte : « A peine a-t-on pénétré dans le camp que l’on est frappé par l’étrangeté du spectacle. Indiens, Cosaques, Hongrois et Mexicains vont et viennent autour de leurs tentes, mêlant l’originalité amusante de leurs costumes, cependant que des cavaliers de tous pays soignent ou exercent leurs montures, et que des cowboys traversent au grand galop les chemins les moins accessibles ».

Dessins de Alfred Chantrey Corbould - 1892

Pour transporter cette énorme troupe, il faut une logistique considérable. « Aux seize bateaux de transport venus des États-Unis, succèdent sur le continent trois trains spéciaux déplaçant tout le matériel en même temps que 800 personnes et 500 chevaux ! Les wagons - 52 voitures de 30 mètres de longueur - ont été spécialement conçus et construits pour la compagnie. Ils s'étirent sur plus d'un kilomètre et demi de rails. »

Lors de l’Exposition universelle de Paris de 1889, les représentations du cirque de William Cody sur le thème de la Révolution française avaient connu un énorme succès. Seize ans plus tard, il revient pour une tournée européenne comptant 113 villes françaises et Avignon attend son tour avec impatience. La promotion de la tournée se fait à grand renfort de publicité dont les journaux de l’époque se font l’écho : Buffalo Bill est cet « élégant cavalier, aux yeux d’acier aux cheveux magnifiques, ce champion des tueurs de buffles sauvages, cet intrépide héros » (Le Journal).

Deux représentations ont lieu à Avignon. Sur l’affiche avignonnaise de la tournée on lit ;

Un jour seulement.

La Représentation du soir est exactement la même

que celle de la matinée.

 

Et aussi :

La plus grande Exhibition Instructive du Monde

Saluant pour la dernière fois le public français.

Car il ne reviendra plus jamais.

Ne pas le voir maintenant, c’est ne le voir jamais.

 

Les places vont de 1,65 francs à 8,80 francs pour les loges, les enfants de moins de 10 ans paient moitié prix sauf pour les places les moins chères. (A titre de comparaison, le kilo de pain valait 0,39 francs)

Les cavalcades et les défilés subjuguent la foule des spectateurs pendant le show et l'entrée en scène de Buffalo Bill sur son pur-sang Mustang déclenche une «ovation frénétique, spectateurs debout criant et applaudissant à s'en rompre les mains ».

 

On ne manque pas de faire état de la ressemblance de Cody avec Mistral en décrivant « la physionomie d’Artagnesque et le chapeau à la Mistral » de Buffalo Bill selon La Semaine d’Avignon.

L’un des temps forts des représentations est la reconstitution de la bataille de Little Bighorn, avec l'épisode du combat héroïque – selon les uns, du massacre selon les autres – mené par le Général Custer contre les tribus Sioux et Cheyenne unies par le chef Sitting Bull (lesquelles seront victorieuses). Trois heures d'un show gigantesque, de quoi en mettre plein la vue aux Provençaux.

L’histoire ne s’arrête pas là. Après la dernière représentation à Marseille, une partie de la troupe et des chevaux restent plusieurs mois pour des réparations suite à un incendie. Le marquis Folco de Baroncelli, grand défenseur des peuples opprimés, croise William Cody. Ils se lient d’amitié, et le marquis accueille sur ses terres camarguaises les Indiens en même temps que les Gitans en pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Il entretiendra une longue correspondance avec plusieurs chefs indiens.

 

Cette parenthèse unique, c’est «la rencontre heureuse de trois communautés, Indiens, Gitans et Camarguais ».

« Les peuples gitan et lakota ont une façon de vivre qui fait peur aux Blancs car ils vont là où le vent les pousse et personne ne peut attraper les fils du vent. Lakotas et Gitans règnent au milieu des vents. ».

Ci-contre, Folco de Baroncelli  en costume sioux.

Ci-dessous à gauche le marquis avec Jeanne de Flandrezy et Joë Hamman

A droite, le marquis et Jacob White Eyes - Documents Musée du Roure

Le Palais du Roure vient de consacrer une exposition à Joë Hamman, pionnier du « western » camarguais au tout début du XXème siècle, ami de Buffalo Bill et de Folco de Baroncelli qui participa activement à ses entreprises cinématographiques.

 

Pour une vision beaucoup moins enthousiaste du personnage et des tournées de Buffalo Bill, lire « Tristesse de la Terre » d’Eric Vuillard.

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