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Par Liliane  & Francis Février 2024

Templiers & Hospitaliers à Avignon

Leurs commanderies et la Tour saint Jean

La tour qui se dresse sur la place saint Jean contigüe à la place Pie est l’unique vestige          de l'ancienne commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem,

 

Qui étaient-ils ?

 

On les confond souvent avec les Templiers, alors qu’ils n’ont, à l'origine, rien à voir en termes de vocation. Pourtant l’histoire des uns et des autres se mêle étroitement à Avignon.

Les hospitaliers du saint Sépulcre, Les Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem, les Templiers, les Chevaliers Teutoniques.

Les Templiers

 

L’ordre des Templiers, ou Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon, est un ordre tout autant religieux que militaire créé au début du XIIème siècle pour protéger les pèlerins en route pour la terre sainte lors des croisades, tout en participant aux batailles et en accumulant de nombreuses richesses.

Le premier document mentionnant la présence des Templiers à Avignon date de 1174, concernant des bâtiments situés dans une propriété du chevalier Brocardus dans la paroisse saint Agricol, tout près de la « vigne épiscopale », à l'intérieur des remparts (de l’époque) et à proximité d'une porte bientôt appelée «Portale Templi». Les bâtiments comprennent un réfectoire affecté aux repas en commun et un dortoir, seul le commandeur ayant le privilège d'une chambre particulière, ainsi que métairie, cellier, cuisine, écuries, dépendances. Les Templiers n’obtiennent que plus tard le droit le droit d'édifier leur propre chapelle, construite de 1273 et 1281, Notre Dame de Bethléem, avec un cimetière.

Plan comm Templiers.jpg

Reconstitution de la commanderie des Templiers (en gris) dans l'actuel quartier de saint Agricol

En 1308, c’est la chute du Temple.  Entrés en conflit avec le roi de France Philippe le Bel qui leur fait intenter un procès en hérésie suivi de condamnations au bûcher et d’exils, l’ordre des Templiers est dissous par le premier pape français Clément V en 1312 et leurs biens séquestrés.

Les Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem, dits aussi Chevaliers de Rhodes puis de Malte

Il faut noter que les gravures romantiques comme celles-ci font souvent preuve de fantaisie dans la représentation des blasons des ordres chevaleresques. Lesquels étaient en outre arborés sur l'épaule et non sur la poitrine.

A Avignon le patrimoine acquis par les Templiers paraît modeste en comparaison de celui des Hospitaliers, qui font figure de « concurrents ». En effet, installés presque simultanément avec les Templiers, les Hospitaliers sont très populaires grâce à leur mission de soins.

 

Il est très difficile de démêler l’origine de l’implantation des Hospitaliers à Avignon, car ils ont souvent été confondus avec les Templiers. En 1199, l'évêque Rostang de Notre-Dame des Doms concède à Garsias de Liza, grand-maître de l'ordre des Hospitaliers, l’autorisation de construire une église et d'établir «un cimetière pour les Frères, leurs domestiques, les habitants de la ville et les étrangers de passage qui demanderaient à y être enterrés», «dans quelque endroit de la ville qui leur plaira».

Les Hospitaliers ne sont pas à l’origine des militaires, même s’ils le sont devenus au fil du temps. Leur mission première consiste à soigner les pèlerins pauvres arrivés à Jérusalem, dans un xenodochium, à la fois hôtellerie et hospice. Fondé au XIéme siècle sous l’égide de saint Jean-Baptiste par Frère Gérard, mort à Jérusalem en 1120, l'ordre est géré par un « grand hospitalier » assisté de chirurgiens et d'infirmiers. 

 

La définition d’un frère Hospitalier est donnée en 1199 : « Celui qui, en bonne santé, porte l’emblème de la croix de l’Hôpital, ou, malade, est encore capable de marcher sans aide jusqu’à la maison de l’Hôpital pour y demeurer définitivement. S’il est marié, la femme du postulant doit promettre la chasteté devant l’évêque » (ce qui n’était pas observé en 1203).

Frère Gérard, fondateur des Hospitaliers

Les frères « se donnent », parfois en compagnie de leur épouse, avec tous leurs biens mais souvent en conservent l’usufruit jusqu’à leur mort. En cas de contestation ultérieure, c’est toujours l’Hôpital qui a gain de cause. Le patrimoine de la commanderie s’élabore à partir de dons en nature, en maisons, en loyers sur 25 maisons du quartier juif, et d’acquisitions de terres et de domaines. Par exemple, en 1210, Adelais de Sabran doit verser 500 sous pour respecter les dernières volontés de son époux, mais faute de liquidités, fournit à la place l’équivalent en vignes.

Quand l’ordre devient plus militaire ses membres sont répartis en trois catégories : les chevaliers, les servants d'armes et les frères d'obédience. Les chevaliers de justice doivent présenter au moins seize quartiers de noblesse et le titre de chevalier de grâce est obtenu par le seul mérite. Les servants d'armes sont chargés des travaux de la guerre et des soins à l'infirmerie. Les frères d'obédience sont des prêtres soumis à la règle de saint Augustin.

 

De retour en France à la fin des croisades, les Hospitaliers poursuivent leur œuvre en faveur des pauvres et des malades.

Grand Maître et Chevalier de la grand Croix

La commanderie de la place saint Jean

 

Dès 1203 ils entreprennent la construction de la commanderie sur l’actuelle place saint Jean, où ils vont résider durant près d’un siècle. Le bâtiment principal de trois étages desservis par un escalier à vis octogonal, de 19 mètres de hauteur, avait des murs jusqu’à deux mètres d’épaisseur, avec des croisées géminées au premier étage et des petites arcatures sur une longueur de six mètres, et mesurait environ 560 mètres carrés. Deux vastes ailes encadraient des cours et jardins de plus de 1000 mètres carrés.
 

La tour saint Jean, construite au XIVème siècle après leur départ, en forme de parallélogramme flanqué d’une petite tour octogonale renfermant un escalier à vis, était la plus élevée de l’ensemble avec ses 22m de haut. Elle était encastrée dans les bâtiments et divisée en cinq étages.

 

L’église était située à l’angle de la rue saint Jean le Vieux et Sainte Garde (actuelle rue du Général Leclerc).

L’installation des Hospitaliers chez les Templiers

 

Quand l’ordre des Templiers est dissous, ils doivent céder leurs locaux aux Hospitaliers par décision de justice (le grand maître Jacques de Molay, brûlé vif en maudissant Philippe le Bel et sa descendance, avait toujours refusé la fusion de son ordre avec celui des Hospitaliers) et ces derniers quittent la place saint Jean pour s'installer dans la commanderie rue saint Agricol. Cette nouvelle résidence prend le nom de saint Jean de Rhodes, celle qu'ils quittent étant désormais appelée saint Jean le Vieux.

ll semble que les Hospitaliers se soient contentés des bâtiments légués par le Temple alors que presque tous les établissements religieux de la ville faisaient l'objet de reconstructions sous l'impulsion des grands prélats. Une lettre de Clément VI précise d’ailleurs qu'aucun cardinal ne pourra établir sa livrée dans la nouvelle propriété des Hospitaliers. Il était en effet courant que les prélats réquisitionnent des maisons pour leur propre usage et les frères s'étaient plaints d’avoir été molestés à plusieurs reprises par «des gens de la curie».

Ce qu'il advint de la commanderie saint Jean de Rhodes

 

Au XIVème siècle la peste noire et les ravages des grandes compagnies entre deux batailles de la guerre de Cent ans provoquent de sérieux problèmes financiers pour l'Hôpital, outre une crise de recrutement. Cependant l’ordre poursuit ses activités, jusqu’au moment où, en 1793, la commanderie saint Jean de Rhodes (dans l’actuelle rue saint Agricol) est vendue comme « bien national » à un particulier puis divisée en lots. La sacristie et la chapelle sont transformées en auberge avec une écurie, puis en « hôtel du Pont ». L'autre lot est reconstruit pour devenir l'«Hôtel du Louvre».

Rue saint Agricol, un passage sous l'ancien hôtel du Louvre donne accès à tout ce qui reste

de la commanderie saint Jean de Rhodes : la chapelle gothique Notre-Dame de Bethléem.

Clé de voûte et chapiteau

Chapelle Templiers resto.jpg

Restaurant du Félibrige au XIXème siècle

En 1875 le félibre Anselme Mathieu sauve la chapelle de la démolition et la rénove : il fait poser des vitraux à la place des fenêtres obstruées, repeint les murs en doré… et installe un restaurant à l’étage et un entrepôt au rez de chaussée.  Il accueille Frédéric Mistral, Théodore Aubanel et Joseph Roumanille. L’hôtel, devenu leur cercle de réunion, ferme en 1977. Rachetée vingt ans plus tard, la chapelle gothique est restaurée et classée au titre des monuments historiques, ce qui n’empêche pas qu’elle soit transformée en théâtre pour le festival.  Le « Petit Louvre » devient un restaurant.

Chapelle Templiers 1.jpg

Théâtre actuel

Ce qu’il advint de la commanderie saint Jean le Vieux après le départ des Hospitaliers

Quand les Hospitaliers quittent la commanderie de la place saint Jean, la chambre apostolique en profite pour y installer le cardinal Raymond-Guilhem de Farges, puis le cardinal de Limoges Nicolas de Besse qui en 1344 fait élever un nouveau corps de logis et la tour saint Jean ; puis elle passe à son cousin le cardinal Guillaume d’Aigrefeuille le Jeune, et enfin au cardinal Pierre Corsini de Florence. Cependant les bâtiments sont peu habités et se dégradent. L’église est passée au chapitre de saint Pierre en 1330.

Les armes sculptées sur la tour sont celles de Nicolas de Besse (1320-1369) qui était le neveu de Clément VI et le cousin de Pierre Roger de Beaufort, futur Grégoire XI : à dextre  celles de sa mère " D'argent à la bande d'azur, en orles six roses de gueules", à senestre celle des de Besse "D'or au chevron d'azur".

Au départ définitif des papes, la commanderie est abandonnée jusqu'au milieu du XVIème siècle. C’est l’époque de la guerre entre Charles Quint et François Ier, dont les mercenaires s'installent à côté du monastère de Saint Véran (vestiges privés sur l’actuelle route de Morières) qu’ils pillent. Les religieuses agressées s’enfuient et trouvent refuge intra-muros dans la commanderie saint Jean le Vieux jusqu’en 1598.

Copie de Tour saint Jean
St Jean  détaill ext.jpg

Entre cette date et la Révolution, ce sont les Pères de la Doctrine chrétienne, fondés par César de Bus, qui y installent leur école.

César de Bus

Né en 1544 dans une famille de la noblesse romaine, César de Bus, après une jeunesse débauchée à Avignon, décide à l’âge de trente ans de se consacrer entièrement à sa foi catholique et à l’éducation des pauvres. Ordonné prêtre, il devient chanoine avant de se retirer en ermite et vivre dans la pénitence. Puis il crée une mission de catéchistes à l’intention des campagnards, y compris des jeunes filles, il faut le souligner, et fonde la société des Pères de la doctrine chrétienne qui connaît rapidement un grand succès.

Ils ouvrent de nombreuses écoles, dont l’une s’installe dans les bâtiments de l’ancienne commanderie saint Jean le Vieux jusqu'à la Révolution.

 

La scolarité dure sept ans : humanités, poésie, rhétorique, philosophie, physique et plus tard mathématiques, histoire, mythologie, géographie, histoire naturelle. A partir de 1770 Voltaire, Boileau, La Fontaine apparaitront à côté des auteurs latins et grecs.

Devenu aveugle, César de Bus meurt en 1607. Son tombeau dans l’église des Hospitaliers saint Jean le Vieux, devenue celle des Doctrinaires, attire pèlerins et visiteurs célèbres tels Richelieu et François  de Sales. Infirmes, aveugles et malades viennent implorer son intercession.

Les bâtiments sont vendus à la Révolution puis transformés en caserne entre 1793 et 1833.

Commanderie fin 19e.jpg

La commanderie au début du XXème siècle

Photographie de l'Abbé Requin

La commanderie transformée en caserne

 et la halle de la place saint Jean

Devenue également bien national, l’église est vendue à des particuliers et transformée en «auberge de la Mule blanche». Pour continuer le projet d'alignement des rues de 1852, la Ville décide de la démolir et M. Pauleau, maître maçon, construit sur cet emplacement un bâtiment occupé, à l’époque, par les magasins de M. Carcassonne.

Dessin de fenêtre à meneaux

La tour saint Jean

Edifiée au XIVéme siècle par le cardinal de Besse quand il s'installe dans la commanderie devenue livrée cardinalice, la tour est l'unique bâtiment qui subsiste de ce formidable ensemble car en 1898 c’est toute la commanderie saint Jean le Vieux qui est démolie. On retrouve une «magnifique cheminée de marbre» et des «panneaux décoratifs représentant les blasons des principaux bienfaiteurs, des supérieurs de la congrégation et les armes du pape Innocent IX».

La tour saint Jean environnée d'échoppes dont un "hôpital de la chaussure"

Etat actuel 

La tour faillit être aussi détruite, mais est finalement épargnée. En 1861, lors de l'agrandissement de la place Pie, elle est dégagée en partie des maisons et échoppes qui la cernaient et restaurée. Une plaque commémorative en marbre est placée sur la face est.

 

 « La tour a été restaurée. La place du marché agrandie. Napoléon III étant empereur,

Mathias Debelay archevêque, Adolphe Durand Saint-Amand préfet, Paul Pamard député-maire, Édouard Perrot, Jean-Baptiste Clerc, Eugène Bastide, Jean-Baptiste Madon adjoints au maire. MDCCCLXI (1861). »

On accède à la tour par un étroit escalier à vis dans une tourelle adjacente. Elle a perdu un étage lors de sa rénovation. Pendant un temps, elle est occupée par le bureau et le logement du peseur public, puis sert au service des taxis quand la Place Pie accueille encore un parking.

L'ancien logement du "peseur public" 

Au 4e étage se trouve toujours les mécanismes des deux horloges, celui d’origine, celui datant de la restauration et le plus récent, électrifié.

Horloge Tour St Jean XIXeme.jpg

La vue depuis le haut de la tour est spectaculaire !

Les Hospitaliers de nos jours

L’ordre des Hospitaliers devenu militaire et doté d’une forte puissance navale, est expulsé de Malte par Bonaparte et se scinde pour donner naissance à plusieurs ordres toujours en activité, reprenant le caractère humanitaire des débuts, tels l’ordre souverain de Malte ou l’ordre protestant de saint Jean. Les activités hospitalières et d’assistance s’effectuent à grande échelle pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale sous le Grand Maître Fra’Ludovico Chigi Albani della Rovere (1931-1951). De nos jours des projets humanitaires d’envergure sont toujours en cours dans diverses parties du monde.

Pas moins de quatre statues de saint Jean autour de la place du même nom rappellent le souvenir de la commanderie.

Quant aux Templiers disparus dans les bûchers de Philippe le Bel, leur aura n’a cessé d’inspirer poètes et illustrateurs,

des Romantiques du XIXème siècle aux illustrateurs contemporains.

Bibliographie

- Damien Carraz - Une commanderie templière et sa chapelle en Avignon : Du temple aux chevaliers de Malte - Société Française d'Archéologie Musée des Monuments Français

- https://archives.vaucluse.fr

- Claude-France Hollard - Cartulaire et chartes de la commanderie de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem d'Avignon au temps de la Commune (1170-1250)

- A. Bayol. Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes  - Mémoires de l'Académie de Vaucluse - Avignon 1900

- https://escoutoux.net/ordre-hospitaliers

- https://journals.openedition.org

Photographies et cartes postales anciennes : don de M. Bourgue

Merci à M. Nebout, horloger spécialisé dans la restauration et l'entretien des horloges publiques, pour ses explications.

Accueil  / Art & Histoire / Templiers et Hospitaliers

Par Liliane  & Francis Février 2024

Templiers & Hospitaliers à Avignon

Leurs commanderies et la Tour saint Jean

La tour qui se dresse sur la place saint Jean contigüe à la place Pie est l’unique vestige          de l'ancienne commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem,

 

Qui étaient-ils ?

 

On les confond souvent avec les Templiers, alors qu’ils n’ont, à l'origine, rien à voir en termes de vocation. Pourtant l’histoire des uns et des autres se mêle étroitement à Avignon.

Les hospitaliers du saint Sépulcre, Les Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem, les Templiers, les Chevaliers Teutoniques.

Les Templiers

 

L’ordre des Templiers, ou Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon, est un ordre tout autant religieux que militaire créé au début du XIIème siècle pour protéger les pèlerins en route pour la terre sainte lors des croisades, tout en participant aux batailles et en accumulant de nombreuses richesses.

Le premier document mentionnant la présence des Templiers à Avignon date de 1174, concernant des bâtiments situés dans une propriété du chevalier Brocardus dans la paroisse saint Agricol, tout près de la « vigne épiscopale », à l'intérieur des remparts (de l’époque) et à proximité d'une porte bientôt appelée «Portale Templi». Les bâtiments comprennent un réfectoire affecté aux repas en commun et un dortoir, seul le commandeur ayant le privilège d'une chambre particulière, ainsi que métairie, cellier, cuisine, écuries, dépendances. Les Templiers n’obtiennent que plus tard le droit le droit d'édifier leur propre chapelle, construite de 1273 et 1281, Notre Dame de Bethléem, avec un cimetière.

Plan comm Templiers.jpg

Reconstitution de la commanderie des Templiers (en gris) dans l'actuel quartier de saint Agricol

En 1308, c’est la chute du Temple.  Entrés en conflit avec le roi de France Philippe le Bel qui leur fait intenter un procès en hérésie suivi de condamnations au bûcher et d’exils, l’ordre des Templiers est dissous par le premier pape français Clément V en 1312 et leurs biens séquestrés.

Les Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem, dits aussi Chevaliers de Rhodes puis de Malte

Il faut noter que les gravures romantiques comme celles-ci font souvent preuve de fantaisie dans la représentation des blasons des ordres chevaleresques. Lesquels étaient en outre arborés sur l'épaule et non sur la poitrine.

A Avignon le patrimoine acquis par les Templiers paraît modeste en comparaison de celui des Hospitaliers, qui font figure de « concurrents ». En effet, installés presque simultanément avec les Templiers, les Hospitaliers sont très populaires grâce à leur mission de soins.

 

Il est très difficile de démêler l’origine de l’implantation des Hospitaliers à Avignon, car ils ont souvent été confondus avec les Templiers. En 1199, l'évêque Rostang de Notre-Dame des Doms concède à Garsias de Liza, grand-maître de l'ordre des Hospitaliers, l’autorisation de construire une église et d'établir «un cimetière pour les Frères, leurs domestiques, les habitants de la ville et les étrangers de passage qui demanderaient à y être enterrés», «dans quelque endroit de la ville qui leur plaira».

Les Hospitaliers ne sont pas à l’origine des militaires, même s’ils le sont devenus au fil du temps. Leur mission première consiste à soigner les pèlerins pauvres arrivés à Jérusalem, dans un xenodochium, à la fois hôtellerie et hospice. Fondé au XIéme siècle sous l’égide de saint Jean-Baptiste par Frère Gérard, mort à Jérusalem en 1120, l'ordre est géré par un « grand hospitalier » assisté de chirurgiens et d'infirmiers. 

 

La définition d’un frère Hospitalier est donnée en 1199 : « Celui qui, en bonne santé, porte l’emblème de la croix de l’Hôpital, ou, malade, est encore capable de marcher sans aide jusqu’à la maison de l’Hôpital pour y demeurer définitivement. S’il est marié, la femme du postulant doit promettre la chasteté devant l’évêque » (ce qui n’était pas observé en 1203).

Frère Gérard, fondateur des Hospitaliers

Les frères « se donnent », parfois en compagnie de leur épouse, avec tous leurs biens mais souvent en conservent l’usufruit jusqu’à leur mort. En cas de contestation ultérieure, c’est toujours l’Hôpital qui a gain de cause. Le patrimoine de la commanderie s’élabore à partir de dons en nature, en maisons, en loyers sur 25 maisons du quartier juif, et d’acquisitions de terres et de domaines. Par exemple, en 1210, Adelais de Sabran doit verser 500 sous pour respecter les dernières volontés de son époux, mais faute de liquidités, fournit à la place l’équivalent en vignes.

Quand l’ordre devient plus militaire ses membres sont répartis en trois catégories : les chevaliers, les servants d'armes et les frères d'obédience. Les chevaliers de justice doivent présenter au moins seize quartiers de noblesse et le titre de chevalier de grâce est obtenu par le seul mérite. Les servants d'armes sont chargés des travaux de la guerre et des soins à l'infirmerie. Les frères d'obédience sont des prêtres soumis à la règle de saint Augustin.

 

De retour en France à la fin des croisades, les Hospitaliers poursuivent leur œuvre en faveur des pauvres et des malades.

Grand Maître et Chevalier de la grand Croix

La commanderie de la place saint Jean

 

Dès 1203 ils entreprennent la construction de la commanderie sur l’actuelle place saint Jean, où ils vont résider durant près d’un siècle. Le bâtiment principal de trois étages desservis par un escalier à vis octogonal, de 19 mètres de hauteur, avait des murs jusqu’à deux mètres d’épaisseur, avec des croisées géminées au premier étage et des petites arcatures sur une longueur de six mètres, et mesurait environ 560 mètres carrés. Deux vastes ailes encadraient des cours et jardins de plus de 1000 mètres carrés.
 

La tour saint Jean, construite au XIVème siècle après leur départ, en forme de parallélogramme flanqué d’une petite tour octogonale renfermant un escalier à vis, était la plus élevée de l’ensemble avec ses 22m de haut. Elle était encastrée dans les bâtiments et divisée en cinq étages.

 

L’église était située à l’angle de la rue saint Jean le Vieux et Sainte Garde (actuelle rue du Général Leclerc).

L’installation des Hospitaliers chez les Templiers

 

Quand l’ordre des Templiers est dissous, ils doivent céder leurs locaux aux Hospitaliers par décision de justice (le grand maître Jacques de Molay, brûlé vif en maudissant Philippe le Bel et sa descendance, avait toujours refusé la fusion de son ordre avec celui des Hospitaliers) et ces derniers quittent la place saint Jean pour s'installer dans la commanderie rue saint Agricol. Cette nouvelle résidence prend le nom de saint Jean de Rhodes, celle qu'ils quittent étant désormais appelée saint Jean le Vieux.

ll semble que les Hospitaliers se soient contentés des bâtiments légués par le Temple alors que presque tous les établissements religieux de la ville faisaient l'objet de reconstructions sous l'impulsion des grands prélats. Une lettre de Clément VI précise d’ailleurs qu'aucun cardinal ne pourra établir sa livrée dans la nouvelle propriété des Hospitaliers. Il était en effet courant que les prélats réquisitionnent des maisons pour leur propre usage et les frères s'étaient plaints d’avoir été molestés à plusieurs reprises par «des gens de la curie».

Ce qu'il advint de la commanderie saint Jean de Rhodes

 

Au XIVème siècle la peste noire et les ravages des grandes compagnies entre deux batailles de la guerre de Cent ans provoquent de sérieux problèmes financiers pour l'Hôpital, outre une crise de recrutement. Cependant l’ordre poursuit ses activités, jusqu’au moment où, en 1793, la commanderie saint Jean de Rhodes (dans l’actuelle rue saint Agricol) est vendue comme « bien national » à un particulier puis divisée en lots. La sacristie et la chapelle sont transformées en auberge avec une écurie, puis en « hôtel du Pont ». L'autre lot est reconstruit pour devenir l'«Hôtel du Louvre».

Rue saint Agricol, un passage sous l'ancien hôtel du Louvre donne accès à tout ce qui reste

de la commanderie saint Jean de Rhodes : la chapelle gothique Notre-Dame de Bethléem.

Clé de voûte et chapiteau

Chapelle Templiers resto.jpg

Restaurant du Félibrige au XIXème siècle

En 1875 le félibre Anselme Mathieu sauve la chapelle de la démolition et la rénove : il fait poser des vitraux à la place des fenêtres obstruées, repeint les murs en doré… et installe un restaurant à l’étage et un entrepôt au rez de chaussée.  Il accueille Frédéric Mistral, Théodore Aubanel et Joseph Roumanille. L’hôtel, devenu leur cercle de réunion, ferme en 1977. Rachetée vingt ans plus tard, la chapelle gothique est restaurée et classée au titre des monuments historiques, ce qui n’empêche pas qu’elle soit transformée en théâtre pour le festival.  Le « Petit Louvre » devient un restaurant.

Chapelle Templiers 1.jpg

Théâtre actuel

Ce qu’il advint de la commanderie saint Jean le Vieux après le départ des Hospitaliers

Quand les Hospitaliers quittent la commanderie de la place saint Jean, la chambre apostolique en profite pour y installer le cardinal Raymond-Guilhem de Farges, puis le cardinal de Limoges Nicolas de Besse qui en 1344 fait élever un nouveau corps de logis et la tour saint Jean ; puis elle passe à son cousin le cardinal Guillaume d’Aigrefeuille le Jeune, et enfin au cardinal Pierre Corsini de Florence. Cependant les bâtiments sont peu habités et se dégradent. L’église est passée au chapitre de saint Pierre en 1330.

Les armes sculptées sur la tour sont celles de Nicolas de Besse (1320-1369) qui était le neveu de Clément VI et le cousin de Pierre Roger de Beaufort, futur Grégoire XI : à dextre  celles de sa mère " D'argent à la bande d'azur, en orles six roses de gueules", à senestre celle des de Besse "D'or au chevron d'azur".

Au départ définitif des papes, la commanderie est abandonnée jusqu'au milieu du XVIème siècle. C’est l’époque de la guerre entre Charles Quint et François Ier, dont les mercenaires s'installent à côté du monastère de Saint Véran (vestiges privés sur l’actuelle route de Morières) qu’ils pillent. Les religieuses agressées s’enfuient et trouvent refuge intra-muros dans la commanderie saint Jean le Vieux jusqu’en 1598.

Copie de Tour saint Jean
St Jean  détaill ext.jpg

Entre cette date et la Révolution, ce sont les Pères de la Doctrine chrétienne, fondés par César de Bus, qui y installent leur école.

César de Bus

Né en 1544 dans une famille de la noblesse romaine, César de Bus, après une jeunesse débauchée à Avignon, décide à l’âge de trente ans de se consacrer entièrement à sa foi catholique et à l’éducation des pauvres. Ordonné prêtre, il devient chanoine avant de se retirer en ermite et vivre dans la pénitence. Puis il crée une mission de catéchistes à l’intention des campagnards, y compris des jeunes filles, il faut le souligner, et fonde la société des Pères de la doctrine chrétienne qui connaît rapidement un grand succès.

Ils ouvrent de nombreuses écoles, dont l’une s’installe dans les bâtiments de l’ancienne commanderie saint Jean le Vieux jusqu'à la Révolution.

 

La scolarité dure sept ans : humanités, poésie, rhétorique, philosophie, physique et plus tard mathématiques, histoire, mythologie, géographie, histoire naturelle. A partir de 1770 Voltaire, Boileau, La Fontaine apparaitront à côté des auteurs latins et grecs.

Devenu aveugle, César de Bus meurt en 1607. Son tombeau dans l’église des Hospitaliers saint Jean le Vieux, devenue celle des Doctrinaires, attire pèlerins et visiteurs célèbres tels Richelieu et François  de Sales. Infirmes, aveugles et malades viennent implorer son intercession.

Les bâtiments sont vendus à la Révolution puis transformés en caserne entre 1793 et 1833.

Commanderie fin 19e.jpg

La commanderie au début du XXème siècle

Photographie de l'Abbé Requin

La commanderie transformée en caserne

 et la halle de la place saint Jean

Devenue également bien national, l’église est vendue à des particuliers et transformée en «auberge de la Mule blanche». Pour continuer le projet d'alignement des rues de 1852, la Ville décide de la démolir et M. Pauleau, maître maçon, construit sur cet emplacement un bâtiment occupé, à l’époque, par les magasins de M. Carcassonne.

Dessin de fenêtre à meneaux

La tour saint Jean

Edifiée au XIVéme siècle par le cardinal de Besse quand il s'installe dans la commanderie devenue livrée cardinalice, la tour est l'unique bâtiment qui subsiste de ce formidable ensemble car en 1898 c’est toute la commanderie saint Jean le Vieux qui est démolie. On retrouve une «magnifique cheminée de marbre» et des «panneaux décoratifs représentant les blasons des principaux bienfaiteurs, des supérieurs de la congrégation et les armes du pape Innocent IX».

La tour saint Jean environnée d'échoppes dont un "hôpital de la chaussure"

Etat actuel 

La tour faillit être aussi détruite, mais est finalement épargnée. En 1861, lors de l'agrandissement de la place Pie, elle est dégagée en partie des maisons et échoppes qui la cernaient et restaurée. Une plaque commémorative en marbre est placée sur la face est.

 

 « La tour a été restaurée. La place du marché agrandie. Napoléon III étant empereur,

Mathias Debelay archevêque, Adolphe Durand Saint-Amand préfet, Paul Pamard député-maire, Édouard Perrot, Jean-Baptiste Clerc, Eugène Bastide, Jean-Baptiste Madon adjoints au maire. MDCCCLXI (1861). »

On accède à la tour par un étroit escalier à vis dans une tourelle adjacente. Elle a perdu un étage lors de sa rénovation. Pendant un temps, elle est occupée par le bureau et le logement du peseur public, puis sert au service des taxis quand la Place Pie accueille encore un parking.

L'ancien logement du "peseur public" 

Au 4e étage se trouve toujours les mécanismes des deux horloges, celui d’origine, celui datant de la restauration et le plus récent, électrifié.

Horloge Tour St Jean XIXeme.jpg

La vue depuis le haut de la tour est spectaculaire !

Les Hospitaliers de nos jours

L’ordre des Hospitaliers devenu militaire et doté d’une forte puissance navale, est expulsé de Malte par Bonaparte et se scinde pour donner naissance à plusieurs ordres toujours en activité, reprenant le caractère humanitaire des débuts, tels l’ordre souverain de Malte ou l’ordre protestant de saint Jean. Les activités hospitalières et d’assistance s’effectuent à grande échelle pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale sous le Grand Maître Fra’Ludovico Chigi Albani della Rovere (1931-1951). De nos jours des projets humanitaires d’envergure sont toujours en cours dans diverses parties du monde.

Pas moins de quatre statues de saint Jean autour de la place du même nom rappellent le souvenir de la commanderie.

Quant aux Templiers disparus dans les bûchers de Philippe le Bel, leur aura n’a cessé d’inspirer poètes et illustrateurs,

des Romantiques du XIXème siècle aux illustrateurs contemporains.

Bibliographie

- Damien Carraz - Une commanderie templière et sa chapelle en Avignon : Du temple aux chevaliers de Malte - Société Française d'Archéologie Musée des Monuments Français

- https://archives.vaucluse.fr

- Claude-France Hollard - Cartulaire et chartes de la commanderie de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem d'Avignon au temps de la Commune (1170-1250)

- A. Bayol. Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes  - Mémoires de l'Académie de Vaucluse - Avignon 1900

- https://escoutoux.net/ordre-hospitaliers

- https://journals.openedition.org

Photographies et cartes postales anciennes : don de M. Bourgue

Merci à M. Nebout, horloger spécialisé dans la restauration et l'entretien des horloges publiques, pour ses explications.

Accueil  / Art & Histoire / Templiers et Hospitaliers

Par Liliane  & Francis Février 2024

Templiers & Hospitaliers à Avignon

Leurs commanderies et la Tour saint Jean

La tour qui se dresse sur la place saint Jean contigüe à la place Pie est l’unique vestige          de l'ancienne commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem,

 

Qui étaient-ils ?

 

On les confond souvent avec les Templiers, alors qu’ils n’ont, à l'origine, rien à voir en termes de vocation. Pourtant l’histoire des uns et des autres se mêle étroitement à Avignon.

Les hospitaliers du saint Sépulcre, Les Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem, les Templiers, les Chevaliers Teutoniques.

Les Templiers

 

L’ordre des Templiers, ou Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon, est un ordre tout autant religieux que militaire créé au début du XIIème siècle pour protéger les pèlerins en route pour la terre sainte lors des croisades, tout en participant aux batailles et en accumulant de nombreuses richesses.

Le premier document mentionnant la présence des Templiers à Avignon date de 1174, concernant des bâtiments situés dans une propriété du chevalier Brocardus dans la paroisse saint Agricol, tout près de la « vigne épiscopale », à l'intérieur des remparts (de l’époque) et à proximité d'une porte bientôt appelée «Portale Templi». Les bâtiments comprennent un réfectoire affecté aux repas en commun et un dortoir, seul le commandeur ayant le privilège d'une chambre particulière, ainsi que métairie, cellier, cuisine, écuries, dépendances. Les Templiers n’obtiennent que plus tard le droit le droit d'édifier leur propre chapelle, construite de 1273 et 1281, Notre Dame de Bethléem, avec un cimetière.

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Reconstitution de la commanderie des Templiers (en gris) dans l'actuel quartier de saint Agricol

En 1308, c’est la chute du Temple.  Entrés en conflit avec le roi de France Philippe le Bel qui leur fait intenter un procès en hérésie suivi de condamnations au bûcher et d’exils, l’ordre des Templiers est dissous par le premier pape français Clément V en 1312 et leurs biens séquestrés.

Les Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem, dits aussi Chevaliers de Rhodes puis de Malte

Il faut noter que les gravures romantiques comme celles-ci font souvent preuve de fantaisie dans la représentation des blasons des ordres chevaleresques. Lesquels étaient en outre arborés sur l'épaule et non sur la poitrine.

A Avignon le patrimoine acquis par les Templiers paraît modeste en comparaison de celui des Hospitaliers, qui font figure de « concurrents ». En effet, installés presque simultanément avec les Templiers, les Hospitaliers sont très populaires grâce à leur mission de soins.

 

Il est très difficile de démêler l’origine de l’implantation des Hospitaliers à Avignon, car ils ont souvent été confondus avec les Templiers. En 1199, l'évêque Rostang de Notre-Dame des Doms concède à Garsias de Liza, grand-maître de l'ordre des Hospitaliers, l’autorisation de construire une église et d'établir «un cimetière pour les Frères, leurs domestiques, les habitants de la ville et les étrangers de passage qui demanderaient à y être enterrés», «dans quelque endroit de la ville qui leur plaira».

Les Hospitaliers ne sont pas à l’origine des militaires, même s’ils le sont devenus au fil du temps. Leur mission première consiste à soigner les pèlerins pauvres arrivés à Jérusalem, dans un xenodochium, à la fois hôtellerie et hospice. Fondé au XIéme siècle sous l’égide de saint Jean-Baptiste par Frère Gérard, mort à Jérusalem en 1120, l'ordre est géré par un « grand hospitalier » assisté de chirurgiens et d'infirmiers. 

 

La définition d’un frère Hospitalier est donnée en 1199 : « Celui qui, en bonne santé, porte l’emblème de la croix de l’Hôpital, ou, malade, est encore capable de marcher sans aide jusqu’à la maison de l’Hôpital pour y demeurer définitivement. S’il est marié, la femme du postulant doit promettre la chasteté devant l’évêque » (ce qui n’était pas observé en 1203).

Frère Gérard, fondateur des Hospitaliers

Les frères « se donnent », parfois en compagnie de leur épouse, avec tous leurs biens mais souvent en conservent l’usufruit jusqu’à leur mort. En cas de contestation ultérieure, c’est toujours l’Hôpital qui a gain de cause. Le patrimoine de la commanderie s’élabore à partir de dons en nature, en maisons, en loyers sur 25 maisons du quartier juif, et d’acquisitions de terres et de domaines. Par exemple, en 1210, Adelais de Sabran doit verser 500 sous pour respecter les dernières volontés de son époux, mais faute de liquidités, fournit à la place l’équivalent en vignes.

Quand l’ordre devient plus militaire ses membres sont répartis en trois catégories : les chevaliers, les servants d'armes et les frères d'obédience. Les chevaliers de justice doivent présenter au moins seize quartiers de noblesse et le titre de chevalier de grâce est obtenu par le seul mérite. Les servants d'armes sont chargés des travaux de la guerre et des soins à l'infirmerie. Les frères d'obédience sont des prêtres soumis à la règle de saint Augustin.

 

De retour en France à la fin des croisades, les Hospitaliers poursuivent leur œuvre en faveur des pauvres et des malades.

Grand Maître et Chevalier de la grand Croix

La commanderie de la place saint Jean

 

Dès 1203 ils entreprennent la construction de la commanderie sur l’actuelle place saint Jean, où ils vont résider durant près d’un siècle. Le bâtiment principal de trois étages desservis par un escalier à vis octogonal, de 19 mètres de hauteur, avait des murs jusqu’à deux mètres d’épaisseur, avec des croisées géminées au premier étage et des petites arcatures sur une longueur de six mètres, et mesurait environ 560 mètres carrés. Deux vastes ailes encadraient des cours et jardins de plus de 1000 mètres carrés.
 

La tour saint Jean, construite au XIVème siècle après leur départ, en forme de parallélogramme flanqué d’une petite tour octogonale renfermant un escalier à vis, était la plus élevée de l’ensemble avec ses 22m de haut. Elle était encastrée dans les bâtiments et divisée en cinq étages.

 

L’église était située à l’angle de la rue saint Jean le Vieux et Sainte Garde (actuelle rue du Général Leclerc).

L’installation des Hospitaliers chez les Templiers

 

Quand l’ordre des Templiers est dissous, ils doivent céder leurs locaux aux Hospitaliers par décision de justice (le grand maître Jacques de Molay, brûlé vif en maudissant Philippe le Bel et sa descendance, avait toujours refusé la fusion de son ordre avec celui des Hospitaliers) et ces derniers quittent la place saint Jean pour s'installer dans la commanderie rue saint Agricol. Cette nouvelle résidence prend le nom de saint Jean de Rhodes, celle qu'ils quittent étant désormais appelée saint Jean le Vieux.

ll semble que les Hospitaliers se soient contentés des bâtiments légués par le Temple alors que presque tous les établissements religieux de la ville faisaient l'objet de reconstructions sous l'impulsion des grands prélats. Une lettre de Clément VI précise d’ailleurs qu'aucun cardinal ne pourra établir sa livrée dans la nouvelle propriété des Hospitaliers. Il était en effet courant que les prélats réquisitionnent des maisons pour leur propre usage et les frères s'étaient plaints d’avoir été molestés à plusieurs reprises par «des gens de la curie».

Ce qu'il advint de la commanderie saint Jean de Rhodes

 

Au XIVème siècle la peste noire et les ravages des grandes compagnies entre deux batailles de la guerre de Cent ans provoquent de sérieux problèmes financiers pour l'Hôpital, outre une crise de recrutement. Cependant l’ordre poursuit ses activités, jusqu’au moment où, en 1793, la commanderie saint Jean de Rhodes (dans l’actuelle rue saint Agricol) est vendue comme « bien national » à un particulier puis divisée en lots. La sacristie et la chapelle sont transformées en auberge avec une écurie, puis en « hôtel du Pont ». L'autre lot est reconstruit pour devenir l'«Hôtel du Louvre».

Rue saint Agricol, un passage sous l'ancien hôtel du Louvre donne accès à tout ce qui reste

de la commanderie saint Jean de Rhodes : la chapelle gothique Notre-Dame de Bethléem.

Clé de voûte et chapiteau

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Restaurant du Félibrige au XIXème siècle

En 1875 le félibre Anselme Mathieu sauve la chapelle de la démolition et la rénove : il fait poser des vitraux à la place des fenêtres obstruées, repeint les murs en doré… et installe un restaurant à l’étage et un entrepôt au rez de chaussée.  Il accueille Frédéric Mistral, Théodore Aubanel et Joseph Roumanille. L’hôtel, devenu leur cercle de réunion, ferme en 1977. Rachetée vingt ans plus tard, la chapelle gothique est restaurée et classée au titre des monuments historiques, ce qui n’empêche pas qu’elle soit transformée en théâtre pour le festival.  Le « Petit Louvre » devient un restaurant.

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Théâtre actuel

Ce qu’il advint de la commanderie saint Jean le Vieux après le départ des Hospitaliers

Quand les Hospitaliers quittent la commanderie de la place saint Jean, la chambre apostolique en profite pour y installer le cardinal Raymond-Guilhem de Farges, puis le cardinal de Limoges Nicolas de Besse qui en 1344 fait élever un nouveau corps de logis et la tour saint Jean ; puis elle passe à son cousin le cardinal Guillaume d’Aigrefeuille le Jeune, et enfin au cardinal Pierre Corsini de Florence. Cependant les bâtiments sont peu habités et se dégradent. L’église est passée au chapitre de saint Pierre en 1330.

Les armes sculptées sur la tour sont celles de Nicolas de Besse (1320-1369) qui était le neveu de Clément VI et le cousin de Pierre Roger de Beaufort, futur Grégoire XI : à dextre  celles de sa mère " D'argent à la bande d'azur, en orles six roses de gueules", à senestre celle des de Besse "D'or au chevron d'azur".

Au départ définitif des papes, la commanderie est abandonnée jusqu'au milieu du XVIème siècle. C’est l’époque de la guerre entre Charles Quint et François Ier, dont les mercenaires s'installent à côté du monastère de Saint Véran (vestiges privés sur l’actuelle route de Morières) qu’ils pillent. Les religieuses agressées s’enfuient et trouvent refuge intra-muros dans la commanderie saint Jean le Vieux jusqu’en 1598.

Copie de Tour saint Jean
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Entre cette date et la Révolution, ce sont les Pères de la Doctrine chrétienne, fondés par César de Bus, qui y installent leur école.

César de Bus

Né en 1544 dans une famille de la noblesse romaine, César de Bus, après une jeunesse débauchée à Avignon, décide à l’âge de trente ans de se consacrer entièrement à sa foi catholique et à l’éducation des pauvres. Ordonné prêtre, il devient chanoine avant de se retirer en ermite et vivre dans la pénitence. Puis il crée une mission de catéchistes à l’intention des campagnards, y compris des jeunes filles, il faut le souligner, et fonde la société des Pères de la doctrine chrétienne qui connaît rapidement un grand succès.

Ils ouvrent de nombreuses écoles, dont l’une s’installe dans les bâtiments de l’ancienne commanderie saint Jean le Vieux jusqu'à la Révolution.

 

La scolarité dure sept ans : humanités, poésie, rhétorique, philosophie, physique et plus tard mathématiques, histoire, mythologie, géographie, histoire naturelle. A partir de 1770 Voltaire, Boileau, La Fontaine apparaitront à côté des auteurs latins et grecs.

Devenu aveugle, César de Bus meurt en 1607. Son tombeau dans l’église des Hospitaliers saint Jean le Vieux, devenue celle des Doctrinaires, attire pèlerins et visiteurs célèbres tels Richelieu et François  de Sales. Infirmes, aveugles et malades viennent implorer son intercession.

Les bâtiments sont vendus à la Révolution puis transformés en caserne entre 1793 et 1833.

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Un restaurant et les "Postes & Télégraphe"

occupent l'aile à l'angle de la rue du Vieux Sextier

La commanderie au début du XXème siècle

Photographie de l'Abbé Requin

La commanderie transformée en caserne

 et la halle de la place saint Jean

Devenue également bien national, l’église est vendue à des particuliers et transformée en «auberge de la Mule blanche». Pour continuer le projet d'alignement des rues de 1852, la Ville décide de la démolir et M. Pauleau, maître maçon, construit sur cet emplacement un bâtiment occupé, à l’époque, par les magasins de M. Carcassonne.

Dessin de fenêtre à meneaux

La tour saint Jean

Edifiée au XIVéme siècle par le cardinal de Besse quand il s'installe dans la commanderie devenue livrée cardinalice, la tour est l'unique bâtiment qui subsiste de ce formidable ensemble car en 1898 c’est toute la commanderie saint Jean le Vieux qui est démolie. On retrouve une «magnifique cheminée de marbre» et des «panneaux décoratifs représentant les blasons des principaux bienfaiteurs, des supérieurs de la congrégation et les armes du pape Innocent IX».

La tour saint Jean environnée d'échoppes dont un "hôpital de la chaussure"

Etat actuel 

La tour faillit être aussi détruite, mais est finalement épargnée. En 1861, lors de l'agrandissement de la place Pie, elle est dégagée en partie des maisons et échoppes qui la cernaient et restaurée. Une plaque commémorative en marbre est placée sur la face est.

 

 « La tour a été restaurée. La place du marché agrandie. Napoléon III étant empereur,

Mathias Debelay archevêque, Adolphe Durand Saint-Amand préfet, Paul Pamard député-maire, Édouard Perrot, Jean-Baptiste Clerc, Eugène Bastide, Jean-Baptiste Madon adjoints au maire. MDCCCLXI (1861). »

On accède à la tour par un étroit escalier à vis dans une tourelle adjacente. Elle a perdu un étage lors de sa rénovation. Pendant un temps, elle est occupée par le bureau et le logement du peseur public, puis sert au service des taxis quand la Place Pie accueille encore un parking.

L'ancien logement du "peseur public" 

Au 4e étage se trouve toujours les mécanismes des deux horloges, celui d’origine, celui datant de la restauration et le plus récent, électrifié.

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La vue depuis le haut de la tour est spectaculaire !

Les Hospitaliers de nos jours

L’ordre des Hospitaliers devenu militaire et doté d’une forte puissance navale, est expulsé de Malte par Bonaparte et se scinde pour donner naissance à plusieurs ordres toujours en activité, reprenant le caractère humanitaire des débuts, tels l’ordre souverain de Malte ou l’ordre protestant de saint Jean. Les activités hospitalières et d’assistance s’effectuent à grande échelle pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale sous le Grand Maître Fra’Ludovico Chigi Albani della Rovere (1931-1951). De nos jours des projets humanitaires d’envergure sont toujours en cours dans diverses parties du monde.

Pas moins de quatre statues de saint Jean autour de la place du même nom rappellent le souvenir de la commanderie.

Quant aux Templiers disparus dans les bûchers de Philippe le Bel, leur aura n’a cessé d’inspirer poètes et illustrateurs,

des Romantiques du XIXème siècle aux illustrateurs contemporains.

Bibliographie

- Damien Carraz - Une commanderie templière et sa chapelle en Avignon : Du temple aux chevaliers de Malte - Société Française d'Archéologie Musée des Monuments Français

- https://archives.vaucluse.fr

- Claude-France Hollard - Cartulaire et chartes de la commanderie de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem d'Avignon au temps de la Commune (1170-1250)

- A. Bayol. Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes  - Mémoires de l'Académie de Vaucluse - Avignon 1900

- https://escoutoux.net/ordre-hospitaliers

- https://journals.openedition.org

Photographies et cartes postales anciennes : don de M. Bourgue

Merci à M. Nebout, horloger spécialisé dans la restauration et l'entretien des horloges publiques, pour ses explications.

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