Patrimoine antique
Au cours de sa longue histoire, Avignon fut aussi une ville romaine, mais les bâtiments de cette époque ont été dépecés, leurs éléments réemployés et leurs vestiges se cachent le plus souvent sous les pavés actuels.
Occupé dès l’époque néolithique (8000 ans avant JC), le rocher des Doms fut tout d’abord le siège d’un oppidum, camp fortifié qui permettait de surveiller le trafic sur le Rhône et le site stratégique de son confluent avec la Durance. Une stèle funéraire anthropomorphe de 20 cm de haut, portant une figure humaine gravée très stylisée et une représentation solaire, datant du chalcolithique méridional, soit – 2500 à – 1800, et désignée comme le « premier Avignonnais », a été exhumée en 1960 lors de fouilles sur le rocher des Doms.
Une première localité, Auenionitès en grec, est fondée par les Phocéens de Massalia (Marseille), riche cité grecque, vers 539 avant J.-C. Sous son influence, on bâtit des temples dédiés à Héraclès et à Artémis d'Ephèse. Elle frappe même sa propre monnaie.
A partir du Vème siècle avant J.C, la cité est occupée par le peuple celto-ligure des Cavares, alliés des Massaliotes, qui érigent leur capitale baptisée "Aouenion", nom qui offre deux interprétations : "ville du vent violent" ou bien "seigneur du fleuve ». Les deux sont bien choisis.
Stèle grecque trouvée en 1897 dans le quartier Champfleury
(Musée Borely de Marseille)
En conflit avec ses voisins, Massalia demande l’aide de ses alliés romains alors qu’Hannibal est arrivé au nord d’Aouenion. Rome en profite pour asseoir son autorité sur la région. En 121 l’empereur Hadrien accorde à la ville le statut de colonie romaine sous le nom de "Colonia Julia Hadriana Avenniensis".
Aouenion devient l’Avennio gallo-romaine.
Représentation fantaisiste de la traversée
du Rhône par les éléphants d’Hannibal.
Aux Ier et IIème siècles de notre ère, la ville s'étend sur une quarantaine d’hectares et compte environ 25 000 habitants. Le chroniqueur Strabon la cite comme l'une des principales agglomérations de la région.
Les premiers remparts, datant du Ier siècle, suivent à peu près le tracé des rues Joseph Vernet, Henri Fabre, des Lices, Philonarde, Paul Saïn et Campane actuelles.
Les arcades et les vestiges du Ier siècle après JC, situés Esplanade Michel Bechet rue de la Peyrolerie (ci-dessous) sont ceux d’un édifice dont la fonction reste inconnue : théâtre, amphithéâtre, entrepôt public ?
Avennio sur la carte itinéraire du monde romain,
dite Peutinger
La ville s’enrichit de nombreux édifices : temples, curie, arc de triomphe. Au IIIème siècle, un pont en bois édifié par Maximien Hercule, sur les fondations duquel sera construit celui de Bénezet mille ans plus tard, enjambe le Rhône.
Avennio est devenue un centre religieux, administratif et commercial florissant qui profite de la longue période de la pax romana. Elle jouit aussi de la proximité de la Via Agrippa.
Plaque de la "Via Avenio" au square Agricol Perdiguier
Créée en 22 avant JC par Aggripa, elle mène vers Arles au sud par une porte située au niveau de la rue des Trois Faucons, et vers Orange et Lyon au nord. Les nécropoles étant situées le long des routes, des éléments de sépulture ont été trouvés près du couvent des Célestins, le cours Jean Jaurès et la rue saint Michel.
De nos jours à Avignon, pas de ruines impressionnantes comme à Arles, Orange, Nîmes ou Vaison, seulement quelques vestiges englobés dans les constructions postérieures, cachés dans des maisons particulières, enfouis sous la Place de l’Horloge où se trouvait le forum, dans les piles du pont d’Avignon… ou bien exposés au Musée Lapidaire. Sans oublier les découvertes délibérément recouvertes et bétonnées.
Rue Molière, sous les immeubles contemporains
Le forum se situait à l’emplacement de la place de l’Horloge actuelle, bordé d’un portique au sud. Les rues Saint Agricol et des Marchands marquent l’emplacement du decumanus maximus (axe est-ouest). La curie (tribunal) était longée par une suite d’arcades de près de 300 m de long sous la rue de la Petite Fusterie actuelle.
En mars 2017, des travaux de voirie ont exhumé une fresque le long de l’Hôtel de Ville. Elle date du premier siècle avant ou après JC et représente Eros couronné, entouré de motifs géométriques Elle est bordé d'une frise de couleurs or, rouge, bleu et vert remarquablement conservées. L’ensemble rappelle le style pompéien.
Cependant cette fresque exceptionnelle restera enfouie car elle fait partie d'un portique de 120 mètres de long déjà recensé par les spécialistes qui ne jugent pas utile de la dégager.
Mosaïques d'une maison gallo-romaine rue Grivolas
Mosaïque d'une maison gallo-romaine rue Saluces
Rue Grivolas, les mosaïques dégagées donnent à penser qu’il s’agissait d’un quartier résidentiel, doté de riches maisons à l’extérieur de la ville, dès le Ier siècle après JC. Celle-ci avait des murs recouverts d’enduits peints, les mosaïques ci-dessus, une galerie pavée de marbre, et sans doute un jardin.
De même au niveau du 8 rue de la République, à 2,75 m de profondeur, furent trouvés un ensemble datant de cette époque.
Rue du Laboureur, une habitation mise au jour comprenait trois salles avec un sol de ciment blanchi, un autre en terre damée et le dernier en parement de plaquettes de marbre blanc.
Au niveau du 7 rue Saluces, la « maison Joubert » révèle en 1860, à trois mètres de profondeur, une mosaïque de 3.50 m sur 4 environ, est mise au jour : c’est une composition en étoile de huit losanges, carrés et fleurons.
Place de la Principale, ce sont les traces d’un complexe monumental de près de 2600 m² qui mettent en évidence un vaste square bordé d’une double galerie et d’une construction avec bassin. Sous la chapelle des Pénitents blancs, se trouve probablement les thermes. Il s’agit peut-être d’un deuxième forum en liaison avec la Voie Aggripa.
Au XIXème siècle, lors du démontage d’un rempart dans la rue Félicien David il est mentionné deux chapiteaux de pilastre corinthiens, présentant un visage en haut relief, ainsi que plusieurs têtes, le tout très détérioré, probablement antérieurs à l’occupation romaine et réemployés dans une enceinte du IVème siècle. Trois blocs curvilignes sur lesquels figure une course de biges (chars à deux chevaux) ont vraisemblablement appartenu à la tholos (construction monumentale circulaire) d’un mausolée.
Des vestiges mentionnés dans des ouvrages anciens, telle une colonne enchâssée sur trois étages dans une façade de la rue Petite Fusterie, ne sont plus visibles aujourd’hui.
Vestiges entreposés à l'angle de la rue
saint Etienne et de la rue des Grottes
Ré-emploi d'une colonne romaine dans un soubassement de l'église saint Agricol.
LE MUSEE LAPIDAIRE
Ce buste de femme, portrait de Julia Domna, mère de Caracalla, aurait été trouvé au XVIIIème siècle dans le jardin du Palais des Papes, mais il est référencé « provenance inconnue ».
Le musée Lapidaire, annexe du musée Calvet, est installé dans l'ancienne chapelle des Jésuites.
Parmi ses collections se trouvent les quelques bustes
et bas-reliefs gallo-romains trouvés au cours de fouilles.
Fragment d’une statue de prêtresse 1er siècle après JC
Bouteille en verre soufflé, Ier ou IIème siècle, trouvée dans le jardin des Célestins (actuellement cité administrative)
Durant les travaux précédant la construction de l’Hôtel de Ville, deux têtes en marbre ont été exhumées dont l’une représenterait Tibère, deuxième empereur romain de 14 à 37, et l’autre son fils Drusus le Jeune assassiné en 23.
Portrait de femme, Ier siècle, trouvée dans le jardin du palais en 1787
Mosaïques à décor géométrique, milieu du IIème siècle après JC, exhumées rue de la Bonneterie en 1811
Musée Lapidaire
65 rue de la République
Bibliographie
Prosper Mérimée – Notes d’un voyage dans le midi de la France
Textes de Stéphane Jordan Chargé de la Mission Patrimoine
Bruno Fornasier – Les fragments architecturaux des arcs de triomphe en Gaule romaine
Sylvain Gagnière et Jacky Granier - Avignon ville d’art - Des origines au Moyen Age roman
Odile Cavalier – Conservateur en chef du Patrimoine – Entretien de 2007
http://www.mediterraneeantique.fr
https://journals.openedition.org/anabases
http://www.persee.fr/doc/galia
Photos de Liliane, Francis et Wikimedia, DR