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Par Philippe, décembre 2022

LE VIN DES PAPES

L’art et le vin sont les joies de l’Homme libre. Aristote.

Clos de la Vigne du Palais des Papes

© Compagnons des Côtes-du-Rhône

       La vigne, originaire du Proche Orient, a été introduite dans nos contrées par les Phocéens s’installant à Marseille vers 600 av. JC. Elle a suivi les implantations des comptoirs de ces très actifs commerçants. Puis, à travers l’expansion de Rome, et en provenance de la Grande Grèce (nom utilisé dans l'Antiquité pour désigner l’Italie du Sud et la Sicile) la vigne s’est implantée dans toute la Gaule romaine, et en tout premier lieu dans la Provincia Romana.

 

Après le déclin de Rome la culture de la vigne s’est maintenue ou développée à travers les établissements religieux pour qui elle constituait un revenu important, en permettant, entre autres, d’alimenter le rite catholique de l’eucharistie (transsubstantiation du vin en sang du Christ).

Fra Angelico - La Communion des apôtres

 Florence, musée San Marco

Moine goûtant du vin dans un cellier

Livre Dou sante Aldobrandino da Siena, fin XIIIème

© British Library Londres

On comprend donc aisément que les papes, chefs de l’Église catholique romaine, puissants seigneurs de leur temps, lors de leur présence à Avignon - comptoir phocéen puis colonie romaine dans une région historiquement viticole - aient pu contribuer au développement de la boisson de Dyonisos !

Cortège dionysiaque, fin IIème siècle.

Mosaïque de l'Annus-Aïon, site de la verrerie de Trinquetaille.

©Musée de l'Arles antique.

D’autant que ce vin, durant le haut Moyen-Age, le plus souvent blanc, acide, se conservant peu et donc coupé d’eau, additionné de miel et épicé, jouait un rôle central dans l’alimentation.

 

Une boisson qui faisait fureur à l’époque était d’ailleurs l’hypocras, un mélange de vin, de miel ou de sucre, de cannelle, gingembre et autres épices.

Fabrication de l'hypocras -Tractatus de herbis 1458

Modène, Biblioteca estense universitaria

Base des marinades et bouillons de cuisson, le vin permettait aussi la conservation grâce au vinaigre. On utilisait également le verjus, jus acide obtenu à partir de raisins pressés verts.

 

Le vin intervenait dans la médication et le lavage des plaies. Et bien sûr, à une époque où les eaux de source ou de puisage étaient souvent souillées, il était, comme le dira beaucoup plus tard Pasteur  «une boisson saine et hygiénique ».

Groupe de voyageurs partageant un repas de pain et de vin Livre du roi Modus et de la reine Ratio, XIVème siècle.

Selon les archives pontificales les 500 à 600 personnes constituant la cour du pape en consommaient chacune environ 2,5 litres par jour. Les vins les plus réputés au début de la papauté à Avignon étaient les vins de  Beaune (Clos Vougeot, Bourgogne) et de Saint Pourçain  (Allier).

Château du Clos-Vougeot

Vue aérienne ©Jean-Louis Bernuy

Les sept papes et les deux anti-papes avignonnais appréciaient le vin, chacun à leur manière, et ont contribué à son développement. Entre autres, sous leur impulsion les muscats, vins rouges et clairets (rosés foncés) se sont répandus dans la noblesse et le clergé.

Andrea di Bonaiuto -  Clément V

couvent des Dominicains

Santa Maria Novella,

Florence. XIVème siècle

Clément V, le premier d’entre eux était propriétaire d’un vignoble à Pessac lorsqu’il était archevêque de Bordeaux. Il fera planter la première vigne pontificale à Malaucène. 

Jean XXII  

Archives du palais du Roure-Avignon

Jean XXII appréciait pour sa part les vins de Tournon (Hermitage) mais aussi des Costières de Nîmes, des environs d’Aix et bien sûr du Comtat. La légende dit qu’il acheta Valréas, dans l’enclave des papes, pour son vin. « Ce pape, précise Jean-Pierre Saltarelli, est à l’origine du vignoble pontifical de Châteauneuf-du-Pape qu’il fit planter par des viticulteurs venus de Cahors, sa ville natale ».

Quant à Benoît XII, initiateur du Palais des Papes, Pétrarque qui ne l’aimait pas parlait de lui comme « d’un ivrogne invétéré ». 

Paolo de Siena

Benoît XII -1341.

Grottes vaticanes

basilique saint Pierre de Rome.

Clément VI jette son dévolu sur le muscat de Beaumes de-Venise qu’il réserve à la Cour pontificale.

Matteo Giovannetti

Clément VI - 1344

Chapelle Saint-Martial

Palais des papes

Les vins blanc et rouge de Châteauneuf font le bonheur d’Innocent VI. Sous son pontificat les surfaces consacrées à la vigne augmentent, notamment à Apt. 

Andrea di Bonaiuto - Innocent VI 1365 -Chapelle des Espagnols

de Santa Maria Novella - Florence

Urbain V, outre les vignes plantées au pied du palais, développe le vignoble de Châteauneuf avec du raisin muscat. 

Simone dei Crocifissi

Urbain V - Vers 137 Pinacothèque de Bologne

En 1374, Grégoire XI, bien que fidèle au muscat de Beaumes-de-Venise, acquiert  25 hectares de vigne près de l’Isle sur la Sorgues.

Giovanni di Paolo

Grégoire XI - Vers 1460

MuséeThyssen-Bornemisza Madrid

Mais l’heure est au Grand schisme et aux pontificats de Clément VII et de Benoît XIII. Ce dernier, contraint de s’exiler à Peniscola, pour se procurer des liquidités vend en 1414 quelques muscadières, dont celle de Beaumes-de-Venise. Le retour à Rome de la papauté n’empêchera pas toutefois les souverains pontifes de continuer à apprécier le vin de l’Altera Roma, « l’autre Rome ».

Et le peuple ? Il y a bien sûr peu de sources. On sait que le vin jouait également un rôle fondamental dans l’alimentation populaire, pour une consommation entre 200 et 800 litres par an et par personne, hommes femmes et enfants.

 

Il s’agissait de productions locales obtenues lors d’une deuxième ou troisième presse, le meilleur vin étant réservé aux nobles et au clergé. Ce vin du peuple devait donc titrer entre 7 et 9°, au maximum, souvent moins de 5°.

 

Aujourd’hui on appellerait cela une « piquette »!

Marchand de vin rouge,

Tacuinum sanitatis d'Ibn Butlân

XVème siècle BnF Paris

La présence des papes à Avignon, puis de leurs représentants jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, a joué un rôle décisif dans l’émergence d’une viticulture de qualité dans le sud-est de la France, contrepoint des vignobles traditionnellement fournisseurs du royaume de France, comme la Bourgogne et la Champagne.

In Vino Veritas (La vérité est dans le vin)

Cadran solaire, château de Pommard

Bibliographie

Jean-Pierre Saltarelli - Les vins des papes d'Avignon  - AEFO Editions - juin 2015

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