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Petites histoires au sein de la grande Histoire...

Celle d'Avignon est riche en anecdotes, tragiques ou cocasses. Page 2

La mode et les censeurs... une vieille histoire

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Pierre l'Ancien de Foix

Florence

De tous temps, le vêtement a servi d’identificateur, au-delà de sa fonction primordiale de se protéger et de tenir chaud. Jusqu’à la Révolution, les rois comme l'Eglise pouvaient imposer des limites vestimentaires afin de maintenir visible la hiérarchie sociale.

 

« Pendant des siècles, il y a eu autant de vêtements que de classes sociales. Chaque condition avait son habit, et il n’y avait aucun embarras à faire de la tenue un véritable signe […] Ainsi, d’une part, le vêtement était soumis à un code entièrement conventionnel mais, d’autre part, ce code renvoyait à un ordre naturel, ou mieux encore, divin. Changer d’habit, c’était changer à la fois d’être et de classe, car l’un et l’autre se confondaient. » Roland Barthes.

En Avignon, en 1462 le légat Pierre l’Ancien de Foix (1409-1464) publie une ordonnance visant à réglementer la tenue des habitants.

A sa décharge, on peut dire qu’il avait fort à faire. Rarement la mode n’a été aussi extravagante qu’au cours du XVème siècle. La classe des marchands avait beaucoup prospéré. Les bourgeois et les artisans qualifiés avaient commencé à porter des vêtements inspirés de ceux de l’aristocratie. La laine, le lin et le chanvre étaient utilisés par tous, avec cependant des différences de qualité, allant du tissu brut au drap le plus fin, teint de riches couleurs, rouge, vert, or et bleu. La fourrure était portée, surtout en doublure, par les plus aisés. 

 

Les femmes se paraient d’une longue robe à taille haute sur une chemise de lin ou une blouse. Les larges manches sont indépendantes et très ornées. Les cheveux sont tressés en de savantes compositions, ou bien tirés sous une résille, des voiles artistement drapés, un chaperon ou encore un turban, ornés de bijoux. Les fashionistas se rasaient le front et les sourcils.

Les frères de Limbourg - 1411-1416

Détail des Très Riches Heures du Duc de Berry.

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Portrait polaiollo.jpg

Cependant, d’après le brave légat outré de tant de luxe, personne ne doit se vêtir « de drap d’or, d’argent ni de soie, ni perles, pierres, bagues ou broderies d’or » sauf les chevaliers, les barons et « autres personnes de dignité ». Certains pourront porter des ceintures dorées à condition de payer 25 florins à chaque fois destinés à l’œuvre du Pont, ce qui représentait une jolie somme.

 

Quant aux dames, elles n’ont pas le droit de se parer de fourrures d’hermines (réservées à la royauté) ni de martres, ni de tissus d’or, d’argent ou de soie qu’elles ne peuvent utiliser qu’en « bordures ». Interdiction d’orner leurs bonnets ou leurs coiffes de joyaux ou de perles, mais elles peuvent arborer des chaînes n’excédant pas 20 marcs, sans pierres ni perles, et des bagues à la condition qu’elles valent moins de 50 florins.

Piero del Pollaiolo - Portrait de femme, vers 1470

New York, Metropolitan Museum

Très vite, le Conseil de Ville demanda au cardinal légat l’annulation de cette entrave à la liberté, sous peine de risquer des émeutes. Celui-ci dut s’incliner, et les Avignonnais et Avignonnaises purent s’habiller selon leur bon plaisir – et surtout selon leurs moyens.

En 1898 cependant, un certain Jules Chauvet fit voter à l’unanimité au Conseil municipal un arrêté stipulant que "les chapeaux des dames soient prohibés dans la salle du Grand Théâtre, aux fauteuils, au parquet et au parterre. Il est inutile je pense que je motive ma proposition." En effet, la mode était aux chapeaux si volumineux que les spectateurs placés derrière ne voyaient qu’eux !

 

En 1943, même arrêté interdisant aux femmes de garder leurs couvre-chefs au théâtre – pas au cinéma, en revanche. Il faut croire que les cinéphiles obtenaient plus facilement satisfaction…

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Bibliographie 

Robert Bailly Chronique et Histoire d'Avignon en 365 jours

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