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Par Liliane   Avril 2024

Petites histoires au sein de la grande Histoire...

Celle d'Avignon est riche en anecdotes, tragiques ou cocasses.

Les miracles de saint Agricol

Quelques miracles pour vous réconforter en ces temps difficiles ? Voici un échantillon de ceux de saint Agricol, invoqué pour « la Pluie, la Température de l'air et dans les Calamités publiques ».

 

Selon le Larousse, un miracle est «un phénomène ou évènement extraordinaire qui semble violer ou transcender les lois de la nature et qu'on attribue à une intervention divine, parfois à la suite de l'intercession d'un saint ou de Dieu lui-même.» Innombrables, attribués à chacun des saints selon les compétences qui lui sont attachées, les miracles n’ont pas fini de susciter la polémique…

Vitrail de l'église saint Agricol

Patron d'Avignon depuis le XVIIème siècle, Agricol, né entre 627 et 630, était le fils de Magne d’Avignon, d'une illustre famille,  lequel par la suite devint moine aux îles de Lérins puis évêque de la ville. Quand son fils, lui-même éduqué au monastère de Lérins, fut désigné pour lui succéder il le sacra évêque à son tour.

 

Les prédications de l’évêque Agricol connurent un tel succès qu’il transforma sa maison natale en église (la première église saint Agricol) servie par des moines de Lérins. Il fonda un couvent de bénédictines dont (la future sainte) Victoire fut la première abbesse, et selon certaines sources, fit édifier saint Didier, saint Symphorien et saint Geniès.

 

Premier et principal miracle d’Agricol pas encore béatifié : Avignon fut touchée par une invasion extraordinaire de cigognes qui, se nourrissant de reptiles, accumulaient les restes sur les toitures, empestant la ville et provoquant une épidémie ; Agricol prononça une bénédiction qui les chassa en emportant leurs dépouilles.

Mais une autre version raconte que ce sont des crapauds et des serpents qui envahirent la ville et que le saint dépêcha un vol de cigognes pour l’en débarrasser (ce qui paraît mieux justifier, dans son iconographie, la présence d’une cigogne à son côté).

 

Plus tard, au sujet d’un conflit portant sur la frontière entre deux terrains lors d’un héritage, grâce à son intercession un vol rectiligne de cigognes indiqua la juste délimitation et tout fut résolu.

Avant sa mort en l’an 700, Agricol recommanda pour lui succéder Vérédème, un anachorète grec qui vivait en ermite dans la campagne. Il affranchit tous ses esclaves et les enrichit, ainsi que le préconisait la reine Bathilde qui régentait le royaume des Francs.

 

En 731,  les Sarrasins ayant envahi la Provence étant entrés en vainqueurs dans la cité, les habitants réclamèrent l’assistance de saint Agricol et virent arriver Charles Martel qui passa les barbares au fil de l'épée.

En 1321, Jean XXII, le second pape avignonnais, transféra ses reliques dans l’église saint Agricol nouvellement édifiée.  De nombreux miracles eurent lieu auprès de sa tombe et lors de pèlerinages en son honneur. En 1494, une peste fut conjurée par les invocations qui lui furent adressées.

 

En 1574, les protestants, tentèrent de s'emparer d'Avignon, mais saint Agricol fit déborder simultanément le Rhône, la  Durance et la Sorgue, forçant les assiégeants à sortir de leurs abris,  tandis que des feux mystérieusement allumés au milieu de la nuit avertirent la ville du danger.

Représentations du miracle des cigognes dans l'église saint Agricol - Au centre, armoiries du chapitre de la collégiale saint Agricol : une cigogne d'argent tenant dans son bec un serpent - Détail du Retable de Boulbon, 1450 - Musée du Louvre

Son culte continua de se développer. En 1628, le Rhône menaçant d’inonder la ville, les Avignonnais implorèrent saint Agricol et les eaux baissèrent.

 

Il fut déclaré, en 1647, patron de la ville par l’archevêque César Argelli.

En 1755, une terrible sécheresse prit fin grâce à une procession portant sa statue et la pluie tomba enfin.

Pour la pluie on chantait :

Le soleil échauffe la terre qui, désolée, brûle de soif.

Que de nombreux nuages laissent l'eau tomber du ciel :

Les prairies souriront, les moissons grandiront, les raisins s'empourpreront.

 

Mais pour demander la sérénité de l'air on doit dire :

Le ciel est chargé de nuages ;

Que le beau temps revienne,

Ramenez nous la face dorée du soleil

Vous  qui avez la puissance de chasser du ciel les nuages chargés d'eau.

 

Lors de la Révolution, un curé assermenté, Pignatelli, cacha les reliques de saint Magne et de saint Agricol, qui furent remises à la vénération des fidèles en 1810.

Pour nos lecteurs curieux amateurs de textes originaux, voici des extraits de la biographie fort édifiante (orthographe fantaisiste comprise) que lui consacra l’abbé Clément en 1771 :

 

« A ILLUSTRES ET MAGNIFIQUES SEIGNEURS

MESSIEURS LES VIGUIER, CONSULS ET ASSESSEUR, ET AU CONSEIL DE LA VILLE D’AVIGNON

 

MESSIEURS,

 

L'hommage que je vous rends, en vous dédiant cet Ouvrage, vous était dû par toutes sortes de titres.

Le rang que vous tenez dans la société , l'autorité que vous y exercez, vos qualités personnelles, mon dévouement respectueux pour chacun de vous en particulier, en étaient, sans doute , des raisons légitimes ; & la vie du glorieux Patron de cette Ville devait naturellement paraître sous les auspices de ceux qui travaillent avec tant de vigilance, de cela & de succès au bonheur & à la tranquillité des Citoyens. Votre amour pour eux, la sagesse, la promptitude & l'équité avec lesquelles vous terminez leurs différens ; les soins infatigables que vous prenez de leurs intérêts temporels, annoncent les imitateurs de Saint Agricol à qui ils sont encore si chers ; & votre administration nous retrace la sienne en faveur de nos Pères, tems auquel les Evêques avaient la plus grande part aux affaires publiques.

 

C’est ce que toute la Ville pense, ILLUSTRES & MAGNIFIQUES SEIGNEURS, en vous regardant comme les vrais Peres de la Patrie ; & ce juste tribut de louanges n’est que l’expression fidele des sentimens de mes Concitoyens. Si vous daignez honorer de vos suffrages le faible essai qui vous est offert, vous leur fournirez, je l'espère, un motif de plus de le recevoir avec indulgence.

 

Je suis avec respect

ILLUSTRES ET MAGNIFIQUES SEIGNEURS  

 

Votre très-humble & très obéissant serviteur,

CLÉMENT, Prêtre.

.../...Sa mere s'appellait Gandaltrude, ou Ausiadiale, ou Augustadiale. C'était une Dame issue d'une famille également distinguée par son ancienneté, ainsi que l'indique l'éclat de celle où elle entra. Ils étaient l’un & l'autre non seulement des premiers de la Ville ; mais encore les plus considérables parmi la noblesse du pays, la splendeur de leur rang & la bonne odeur de leurs vertus leur avaient acquis l'estime & la considération des peuples.

 

La gloire des pères rejaillit toujours sur les enfans ; & le Ciel ayant fait naître Agricol de parens aussi recommandables par leurs vertus & par l'élévation des sentimens, que par la noblesse du sang, le destinait, sans doute, à de grandes choses.../...

.../...Il fut porté honorablement dans l'église de Notre-Dame des Doms suivi de tous les habitans ; on l'inhuma, comme il l’avait desiré, dans la Chapelle de St. Pierre, dite depuis du St. Rosàire  & à présent de St. Joseph , à l'endroit où il y a une grille de fer, telle qu'on avait coutume de mettre sur les Tombeaux des Saints, pour en tirer la terre, ou pour toucher leurs sacrés ossemens : cette grille s'y trouve encore. 

C'était anciennement la coutume de faire au sépulcre des saints de ces sortes de fenêtres de fer, au travers desquelles on pût découvrir leurs Reliques, ainsi que Grégoire de Tours le remarque du tombeau de saint Pierre & de celui des saints Vénérable & Népotien.

 

Le Seigneur opéra des miracles par la vertu de la poussière qui couvrait le cercueil de Saint Agricol. Les habitans d'Avignon s'aperçurent bientôt après sa mort par ceux qu'il opéra en leur faveur  qu'ils avaient un protecteur puissant dans le Ciel, ce qui augmenta & étendit le culte que l'on commença dès lors à lui rendre.

 

Plusieurs Chapelles furent en peu de tems érigées en son honneur. On lui en dédia une entr’autres aux environs de Roquemaure que l'on voit encore aujourd'hui ; c'est là que tous les Samedis le peuple accourait en foule de toute part; on y amenait toute sorte de, malades,  même les possédés du Démon ; ils étaient tous guéris &/ délivrés ; ils attribuaient leur guérison & leur délivrance à l'intercession de Saint Agricol & s'en retournaient en chantant ses louanges. Les actes des visites du Diocèse font foi de ces miracles. Il est encore honoré à Savoüillan dans le Comté-Venaissin comme Patron de la paroisse, où sans doute il a donné les marques de son crédit auprès de Dieu

 

Il serait bien à souhaiter que l'on eut conservé avec soin la mémoire de tous les miracles qu'il a opérés dans cette ville en faveur de ses habitans, soit pendant sa vie , soit après sa mort & dans la suite des tems ; mais , comme nous l'avons déjà remarqué, les anciens Gaulois se mettaient peu en peine d'écrire ; & d'ailleurs, comme il arrive encore ordinairement, ceux sous les yeux de qui les faits arrivent, se contentent de les savoir, sans penser que ceux qui viendront après eux , puissent jamais y prendre intérêt, ou avoir la curiosité d'en être instruits ; ou peut être s'imaginent-ils que la tradition & la renommée les conserveront : dans cette persuasion ils meurent, & la plupart des faits dont ils avoient été témoins , meurent, pour ainsi dire  avec eux , en tombant dans un oubli profond ; & les années s'accumulent sur les années, en effacent insensiblement jusqu'aux moindres traces : ainsi se perd souvent le souvenir des faits , des miracles même les plus authentiques dans le tems qu'ils ont été opérés.

 

Tous ceux cependant qui ont rendu notre Saint célébré, n'ont pas eu le même sort; la tradition  d'anciens manuscrits & les actes de sa vie qui en sont tirés  nous en ont conservé plusieurs que nous allons rapporter.

 

L'an mille quatre cent quatre vingt, l'incertitude de quelques limites ayant occasionné un grand procès entre la Ville & le Chapitre de Saint Agricol : les Consuls, les Chanoines, avec les Juges de la Cour de St. Pierre, accompagnés de plusieurs personnes de distinction, se transportèrent sur les lieux : ils n'y furent pas plutôt arrivés, qu'ils virent paraître à l'instant deux Cigognes, qui, volant & revolant autour des limites contestées, les firent découvrir, & par-là le procès fut fini.

 

« Sur le champ, dit M. Rolland Wallet qui était présent, apparurent des oiseaux  semblables à ceux peints sur les armoiries de Saint Agricol , nommés Ibides ; iceux firent deux ou trois volées autour des limites débattues, comme désignant le droit de St. Agricol ; cela , d'un commun accord de toutes les parties, mit fin à la conteste. » Celui qui a rédigé les actes de ce Saint, dit que des pièces authentiques signées par plusieurs témoins attestaient ce Prodige.

 

Un événement aussi singulier & si peu attendu, fut regardé comme un prodige ; & ceux qui en furent témoins, & ceux qui l'entendirent raconter, tous s'accordèrent à en faire honneur à Saint Agricol : l'on fut si persuadé qu'il en était l'auteur, & la dévotion envers lui se renouvela avec tant de zèle, qu'il fut résolu de lui bâtir une nouvelle Église plus grande & plus magnifique ; ce qui fut exécuté ; c'est celle qui subsiste aujourd'hui.

 

Ce fut surtout en l'année mille cinq cent soixante & quatorze, lorsque les Calvinistes entreprirent d'en former le siège, pour en faire, comme de tant d'autres, le théâtre affreux de toute sorte d'horreurs, & y détruire la vraie croyance sur la sainte Eucharistie. Malgré les intelligences qu'ils avoient dans la Ville  & les ruses qu'ils mirent en usage pour la surprendre  ils ne purent y entrer, ni même s'établir dans son voisinage. Les Élémens combattirent pour nous dans cette occasion : le Rhône & la Durance se débordèrent, pour ainsi dire, de concert & à point nomme  & leurs eaux réunies, en se répandant dans la Ville, non seulement gâtèrent les poudres des conjurés & firent découvrir leurs magasins d'armes ; mais encore les forcèrent eux-mêmes de sortir de leurs retraites. Outre cela des feux allumés au milieu de la nuit par une main invisible, avertirent ceux qui veillaient au salut de la Ville du danger qu'elle courait.

 

C'était un phénomène lumineux qu'on appela la saussede, & qui sous la figure d'un flambeau, faisait régulièrement le tour de nos murs & tenait tout le monde sur ses gardes; il s'éteignait ensuite de lui-même & disparaissait.

 

La guérison miraculeuse opérée incontestablement par son intercession en faveur de M. Raymond Vinai, Orfèvre de cette Ville, en est un que je ne dois pas passer sous silence.

L'an mille six cent quarante trois il fut attaqué d'une fièvre maligne des plus dangereuses, accompagnée des plus funestes symptômes. Le jour de la fête de Saint Agricol, le malade fut réduit à l'extrémité. Les médecins, après avoir inutilement épuisé toutes les ressources de leur art, l'avaient abandonné & désespéraient de sa guérison. Comme la procession que l'on fait ce jour là passait devant sa maison, il entendit quelque bruit & demanda ce que c'était. On lui répondit que la procession de Saint Agricol passait. Dans le moment pénétré d'une vive confiance envers ce Saint, il l'invoqua avec ferveur en promettant d'entretenir en son honneur un pauvre garçon & de lui apprendre tout ce qui était du report de sa profession, s'il plaisait à Dieu, pair son intercession, de lui rendre la santé & la vue qu'il avait perdue pendant sa maladie. Il n'eut pas plutôt fait son vœu & fini sa prière, qu'il se sentit exaucé. A l'instant les forces lui revinrent, il s'assit sur son lit & soupa avec appétit, il recouvra en même tems la vue  & publia partout qu'il avait été guéri par l'intercession de Saint Agricol.

Je pourrais rapporter encore plusieurs exemples de guérisons que les malades ont regardées comme miraculeuses, & qu'ils ont attribuées à l'intercession de ce grand Saint.

Ainsi sans faire mention d'un grand nombre de faveurs particulières que beaucoup de personnes ont cru, sans doute avec quelque fondement, avoir reçues de notre Saint Patron, soit dans l'ordre de la nature & pour leur bien temporel, soit dans l'ordre de la Grace & pour leur sanctification, je me contente d'observer en général que dans les calamités publiques, dans les tems de peste, de guerre & de disette, d'inondation & de séchereise, il a toujonrs fait ressentir à cette Ville les salutaires effets de sa puissante protection ; & il n'est presque jamais arrivé qu'on ait porté solennellement en procession son Chef sacré sans obtenir dans la neuvaine pour le plus tard, ce que l'on demandait à Dieu par son intercession. De sorte qu'il semble que les nuages, l'air & tous les élémens soient soumis à ses ordres en notre faveur ; & que la pluie tombe ou s'arrête à sa volonté, selon nos besoins. Il n'est presque point d'année qui ne soit marquée par quelqu'un de ces heureux événemens. Je crois devoir en rapporter un arrivé, il y a environ quinze ans, auquel je pourrais avec raison donner le nom de miracle ; le voici en peu de mots.

Suivant un usage immémorial, on dressait tous les ans, le jour même de la fête de Saint Agricol, dans la petite place qui est au bas du grand escalier de son Église, un arbre qui s'élevait jusqu'au niveau des toits. On avait soin d'en oindre de haut en bas la surface, déjà fort unie, de tout ce qu'on jugeait le plus propre à la rendre glissante. Au haut de l'arbre était une cage, où l'on avait enfermé deux Oyes, supplément des Cigognes, qu'on ne voit plus dans le pays depuis que notre saint Patron les en a chassées par le prodige auquel on croyait, sans doute  faire une religieuse allusion en donnant le spectacle dont nous parlons. Les concurrens escaladaient cet arbre extrêmement glissant, sans autre secours qu'un peu de sable & quelques cordelettes dont ils s'aidaient, comme ils pouvaient, pour parvenir à portée de rompre à coups de hache les barreaux de la cage. Outre la difficulté de cette opération dans la violente attitude qu'on devine aisément, les Oyes qu'ils devaient emporter, comme faisant partie du prix de leur

adresse, effarouchées par le bruit & par la peur d'être saisies, les obligeaient, en se débattant, de nouveaux efforts, par lesquels les enlevant enfin, le vainqueur, tout transporté de joye, se laissait couler facilement le long de l'arbre, au milieu des acclamations du peuple. Le succès ne couronnait pas toujours l'entreprise : il est même arrivé plus d'une fois que des maladroits en ont été la victime ; & cela arriva malheureusement l'an mille sept cent trente-sept ; ce qui fut cause que M. de Gonteris Archevêque de cette Ville, comptant que la tradition conserverait la mémoire de ce premier miracle sans le secours d'un pareil spectacle ; & n'y trouvant rien d'ailleurs qui pût contribuer à la gloire du Saint & à l'édification des fideles, le proscrivit pour toujours l'année suivante. »

Il arrive que la croyance en l'intercession des saints et la pratique des processions soient toujours d'actualité.

 

En mai 2023, une procession religieuse a été organisée, à Draguignan dans le Var, « pour demander de la pluie au ciel » suivie par deux cents personnes vers la chapelle saint Hermentaire. Saint Agricol ne fut pas sollicité…

Bibliographie

Abbé Clément - La Vie de saint Agricol : évêque et patron de la ville

Abbé L. Serres-Ponthieu - Vie de saint Agricol

Augustin Canron.- Vie de saint Agricol, citoyen, évêque et premier patron de la ville d'Avignon -  Aubanel frères, 1861

Article de France Bleu Provence

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