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LES FEMMES d'AVIGNON   6

Marie-Maurille de Sombreuil 

La jeune fille au verre de sang

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     Marie-Maurille, née en 1768, était la fille aînée de Charles François de Virot, marquis de Sombreuil.  En 1792, lors des massacres de Septembre à Paris elle s’interposa  entre son père et les massacreurs en s'écriant : « Vous n'arriverez à mon père qu'après m'avoir tuée. » Mais Stanislas Maillard, dit « Tape-Dur »,  lui dit qu’il serait épargné si elle buvait du sang bleu frais et il trempa un verre dans le baquet qui recueillait le sang des victimes décapitées. Elle n’hésita pas à le boire en criant « Vive la Nation ! », sauvant ainsi son père, qui fut néanmoins guillotiné un peu plus tard avec l’un de ses fils.

 

Elle épousa en 1796 un émigré, le comte de Villelume, et vint s'établir à Avignon où elle mourut en 1823. Son cœur fut placé dans la chapelle des Célestins, et son corps inhumé au cimetière saint Roch, puis à celui de saint Véran.

 

En 1850, l’aumônier des invalides qui quittaient la succursale d’Avignon déposa l’urne funéraire contenant son cœur à l’Hôtel des Invalides, où elle est la seule femme, en mémoire de son père.

   La version plus probable de l'histoire est que la jeune fille en larmes émut les révolutionnaires et que Maillard, président d'un tribunal improvisé, déclara M. de Sombreuil innocent. Marie-Maurille demanda un verre d'eau qui lui parvint rougi d'être passé entre plusieurs mains ensanglantées, d'où l'origine de la légende.

Il n’y avait d’ailleurs pas de guillotine à la prison de l'Abbaye.

Camille Claudel

Le génie la passion la folie

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Camille Claudel - 1884/87

Paul Claudel en jeune Romain

Musée Calvet

     Camille Claudel naquit en 1864 dans une famille de la bourgeoisie de province, et eut pour frère l’écrivain Paul Claudel. Si son père l’encouragea avec constance, sa mère se montra toujours opposée à elle avec virulence. Très tôt attirée par la sculpture, elle devint l'élève, l'assistante, la maitresse et la muse d’Auguste Rodin, mais celui-ci refusa toujours de l’épouser et ils se séparèrent en 1892. 

Déchirée entre sa passion amoureuse et sa soif d'indépendance artistique, elle défiait la morale hypocrite de l'époque en sculptant des nus avec la même liberté que les hommes. À partir de 1905, son état mental se dégrada, elle détruisit ses œuvres en cours, et à la mort de son père, en 1913, sa mère et son frère la firent interner malgré l’indignation des milieux artistiques progressistes et l’intervention de Rodin. Elle fut transférée en février 1915 à l'asile d'aliénés de Montdevergues, à Montfavet, jusqu'à la fin de ses jours. Elle y mourut en 1943, à 78 ans, probablement à cause de la malnutrition provoquée par la guerre.

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Camille Claudel

en 1929

    La petite-fille de Paul Claudel, Reine-Marie Paris, découvre en 1958 l'œuvre de sa grand-tante et fait connaître son génie et son destin tragique. La biographie d’Anne Delbée puis le film de Bruno Nuytten avec Isabelle Adjani apportent à l’œuvre éblouissante de Camille Claudel la reconnaissance et la notoriété dont elle aurait dû jouir de son vivant.

Jeanne de Flandreysy

L’abbesse du Roure

     Née Jeanne Mellier en 1874, elle commença très tôt par une carrière littéraire et journalistique, tout en s’intéressant à la culture provençale. En 1899, elle épousa un gentilhomme écossais, Aymar de Flandreysy, mais devint rapidement veuve. D’après certains, elle aurait seulement inventé cet éphémère époux…

Belle, libre et cultivée, elle fréquenta alors les meilleurs artistes de son temps : Jules Charles-Roux, qui apporta son soutien financier au Félibrige, Marcel Proust, Sarah Bernhardt, Alphonse Daudet, Jules Supervielle, Léo Lelée, Jean Aicard, et surtout Frédéric Mistral qui obtiendra bientôt le Prix Nobel de littérature. Elle se rendait souvent en Provence et se mêlait aux Reines du Félibrige, Marie-Louise Mistral, Jeanne Roumanille, Philadelphe de Gerde, Nerte de Baroncelli, auxquelles elle apporta un rayonnement supplémentaire.

 

En 1908, elle devint l’amie et l’égérie du marquis Folco de Baroncelli qui écrivait :

 

Ô madame Jeanne ! Ô perle exquise de bonté !

Vous qui, divinement, savez incliner la tête,

Et tourner vos yeux de grâce du côté

Où vous entendez appeler au secours dans la tempête.

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Dix ans plus tard, elle lui évita la ruine en achetant le palais du Roure, qu’elle restaura et consacra à la célébration de la culture provençale. Elle ira jusqu’à faire démonter puis remonter le toit du grenier pour y faire déposer par une grue la « patache » qui avait souvent amené Mistral depuis Marseille, et devait être détruite après avoir figuré dans un film.

 

En 1936, elle épousa le commandant Émile Espérandieu, archéologue et érudit, membre de l'Institut. Elle assembla une collection de 200 cloches, des tableaux, meubles et documents divers de Provence, publia plusieurs ouvrages, reçut, et parfois hébergea sur le long terme, Édouard Herriot, Louis Le Cardonnel, Pablo Casals, Émile Ripert, Marcel Pagnol, le peintre Henry de Groux.

Elle mourut en 1959, ayant légué sa maison et ses archives à Avignon.

     On a tout dit et tout écrit sur Jeanne de Flandreysy… Bien qu’elle n’y soit pas née, elle est probablement, avec l’énigmatique Laure de Sade, la figure la plus emblématique d’Avignon. Voilà une femme qui, quoique sans fortune, aura mené sa vie comme elle l’entendait, fréquenté et soutenu poètes et peintres, restauré une vaste demeure et consacré toute son énergie au renouveau de la culture provençale et au mouvement des Félibres.

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